Arctic Monkeys – AM

Les trois titres à écouter d'urgence : "Arabella", "Knee Socks", "Do I wanna know"

Cinquième album studio du groupe, AM est peut-être le plus abouti (à date). Nouveau look rockabilly, compos plus équilibrées entre rock efficace et consonances stoner, ballades mélancoliques ou atmosphères planantes.

Do “I wanna know” ouvre langoureusement l’album, le cadre est posé. Alex Turner se fait crooner, banané au gel, come back to the 60s mais un son résolument actuel. La basse sautille, la batterie se contente de marquer le kick, pas de break. Notre fauteuil bouge tout seul. Ah non, le rythme nous emporte et nous contemplons les environs. Une chanson qui ouvre aussi de nouvelles voies. Posées.

“R U mine”. Une question qui se pose et dont la réponse reste attendue. L’ajout de reverb sur les voix ajoute à la portée de l’interrogation qui devient presque entêtante. Un excellent riff de guitare, toute fuzz dehors (le son grossit suite à l’apport de Josh Homme), un exemple de péchu-mélodique qui accompagne parfaitement la voix. Une question, des réponses. Le solo se fait ronflant et suspendu.

“One for the Road” est plus énigmatique, moins directe. Une chanson qui s’apprécie au compte-gouttes parfaitement dosé. La progression et les cassures emmènent le titre ailleurs encore. Toujours cet air de crooner qui flotte, ils semblent se regarder jouer et prennent le temps de dérouler sur du velours. Vers un final qui emporte tout sur sa route et une transition parfaite vers “Arabella”. Le son est toujours très reconnaissable. Le delay feutré est devenu la signature sonore du groupe aux moments calmes. Josh Homme n’est pas loin sur le refrain. L’on se prend à entrevoir une reprise possible de ce rythme sacadé/groovy/pushy. Une grosse machine qui vous balance tout. Matt Helders fait des miracles à 3’02.

“I want it all” démontre l’importance des voix dans leurs compos, plus posées, captivantes et que l’on a envie de suivre, même dans les méandres obscurs. Un certain rythme dansant et un bourdonnement fuzz qui ajoute au désordre. Tout est en retrait, à l’affût mais ne se fait pas pour autant attendre longtemps.

Place à la ballade. “No. 1 Party Anthem” est dans la pure lignée de Submarine, BO du génial Turner devenu soudain fleur bleue, un pissenlit comme arme fatale mâchouillée entre ses dents. Il n’en reste pas moins que la compo est méthodique, progresse comme le temps, parfois mélancolique, parfois éclairant.

Pourquoi entends-je alors le Velvet? Cette reverb, ce léger phaser qui tourne au loin. Un brin d’hésitation douce, de dimanche matin qui pointe à la fenêtre. En plus arctique mais chaleureuse. La voix de Turner a gagné en grave et en profondeur, subtilement tiraillée par l’orgue qui vibre. Un voile feutré mais lumineux.

“Fireside” est une course poursuite semée d’embûches. Le batteur donne la pulsation, d’un coeur en plein effort qui reprend ça et là son souffle, par palier. Là encore cet orgue/clavecin noyé qui remplit intelligemment l’espace et apporte un supplément d’âme malsain. A 2’00 le son Gameboy nous rappelle notre enfance avant de balancer un court solo atmosphérique du meilleur effet.

Attention, amis ados sur le retour, cette chanson vous parlera. Effectivement, les fantômes de la nuit vous rattrapent – parfois – et vous font frôler l’interdit. Les non-dits subtilement insérés par ce solo court mais soudain sont à écrire. Un très bon exemple de titre qui sonne aussi bien électrique avec ses arrangements albums qu’unplugged sans fioriture.

Sautillant comme un jeu de boxe. Affrontement sur un ring, cache-cache rigolo. Couplet-refrain efficace, la chanson a tout d’un single qui fera remuer les plus remuants naturellement. Une certaine évidence qui – comme toujours – ne demande qu’à être écoutée au bon moment. Et peut-être préfère-t-on “Knee socks”, accessoirement désuet. Un peu rétro, un air de campus américain, avec son pont énigmatique et RnB de 2’35. La richesse des riffs qui ajoutent couche après couche un peu d’âme au titre.

Le pendant de “505”, chanson de clôture qui redescend en douceur. “I wanna be yours” est une caresse avant de refermer le meilleur opus des Arctic à date. Plus subtils que jamais, les Arctic se balladent sur un fil. Ponctuant gentiment de virgules aigues (le fameux combo reverb/delay) et de choeurs qui tapissent le fond.

Le génie de Turner reste l’art de la composition qu’il maîtrise entre toutes choses, celui-ci devenant de plus en plus juste et varié. Sa voix est mieux placée, plus veloutée aux multiples nuances subtiles. La batterie magique de Matt Helders laisse place à un beat parfois plus R’N’B. On ne peut pas tout avoir.
Et si Turner et son groupe ralentissent fréquemment le tempo en live, pour mieux imposer cette atmosphère désormais intimiste…c’est une autre histoire.