Iggy Pop & Josh Homme – Post Pop Depression

Les 2 pépites incontournables : Sunday, Paraguay.

Dès l’annonce surprise de cette superproduction made in Josh, je fus plongé dans une attente infinie. D’abord, Iggy Pop va-t-il renaître? Il était depuis quelques années déjà sorti de mon radar musical. Ensuite, pourquoi aligner Matt Helders, Dean Fertita et Josh Homme pour l’entourer? Cela pouvait aussi être un gros coup marketing, le renouveau sorti d’un chapeau. Je fus le premier surpris d’écouter en boucle cette pépite que je vous propose de se mettre ensemble dans le casque.

Le rideau s’ouvre sur “Break into my Heart”. Grosse basse au groove nonchalamment méchant. La voix rocailleuse d’Iggy roucoule. Une douce agression râpeuse. Matt Helders déroule sa frappe métronomique et lourde, comme à son habitude. Tandis que le désert expose son immensité de reverb. Le clavier est appuyé, jusqu’au break. Dans la continuité d’un Josh Homme apaisé. De la pop qui montre les crocs et une testostérone parfois maléfique. Ouverture du bal qui campe un décor aride.

“Gardenia” fait ressortir les trémolos. Celui d’Iggy, celui de cette guitare en nappe qui tapisse le fond. La basse frétille, la guitare claire s’amoche à chaque note stridente de reverb. Un son évoquant l’univers fenderien rockabilly dernièrement cher aux Arctic Monkeys bien entourés. Verre brisé. La voix enveloppe le tout d’un ruban désargenté. Presque désuet. Le pont laisse entrevoir un petit n’importe quoi bordélique. Il n’en est rien, tout le monde reste gentiment à son poste pour mieux retomber sur ses pattes moelleuses. Le patron parle. On l’écoute avec ce plaisir bien articulé.

“American Valhalla” ouvre sur ce xylophone tribal d’un autre temps et d’une autre zone géographique. L’Asie lointaine et ses lampions. Rauque et déglinguée, la basse carbure. Métronome boueux. Un gimmick mélodique au clavier s’installe. Un faux air de bouge enfumé d’encens. Iggy commence les incantations.

“In the Lobby” entame un voyage psychédélique. La compression ambiante est lourde. Le break saccade et progresse. Puis cette guitare aigue qui tintamarre. 2’26 fait sortir les tripes. 2’47 entame un solo déglingué. Mélodique et répétitif, qui évoluent vers les méandres glissantes à la manière de QOSTA époque Era Vulgaris. La machine s’enraye. Robotique et sombre.

“Sunday” est parfait. Groovy à souhait, Iggy devient crooner positif en col pelle à tarte. Poussé par une tournerie aux frontières disco funk, il balance des graves mi-parlés pour en imposer. Une certaine distance. Une guitare sinueuse et joueuse. Une intelligence de refrain. Quand Iggy revient sur le dancefloor envoûté, les choeurs se joignent. 2’55 prend un tournant girly frais. Jusqu’au final symphonique en clôture d’une pièce importante. Un moment suspendu. La rencontre entre le stoner, la pop et la disco-funk. Classe.

Retour aux sources. Au grincement approximatif. Cordes usées et son de casserole. “Vulture” est un western imparfait du cowboy moderne en bord de route. La porte du saloon grince. Le son est rouillé. Iggy se crispe. Une bière.

“German Days” fait écho au travail mélodique du supergroupe Them Crooked Vultures. L’heure est à la démonstration. Une basse égrainée façon planète Muse (en mieux), la torpeur d’un Mark Lanegan, puis les Doors qui débarquent gaiement au coin de la rue. Avec cette voix forcée comme un soupir soufflé. Les péchés sont expiés.

“Chocolate Drops” fait la part belle au clavier et aux accompagnements mièvres d’une guitare bienveillante. Les arpèges sont arrachés. Les choeurs sont téléphonés. Bowie n’est pas loin. Introspection d’un artiste lucide sur le passé. Un brin guimauve comme pour dédramatiser le chocolat qui goutte. Peut-être le titre le plus dispensable. Sauf à l’envisager au 3ème degré. Il devient alors génial.

“Paraguay” semble terminer l’histoire. Les pages sont tournées. It is time to say Goodbye. La musique est ici d’abord un accompagnement pur d’un a capella introspectif. Des accords, de la pop. Un certain effet d’entraînement. Mais la rupture s’annonce après 3 minutes. Ça saccade sec, baston de fûts. Un brin de grandiloquence. Qui semble pouvoir partir à tout moment sur une impro des familles. Et d’ailleurs, je pense que cette dernière prise est live. Un moment de créativité pure où chaque seconde est à écrire. Comment coucher ceci sur le papier? C’est ici l’enregistrement qui vaut partition. Et c’est peut-être le plus important. Le naturel l’emporte. L’envie de jouer. Le Rock n’est pas mort.

Cet album est une surprise. Une décharge de testostérone et de rocaille. Finir par un “yeah” volé sans crier gare, comme arraché de l’instant magique de l’impro. Ce dernier cri résume tout. Un état d’esprit, un ralliement au passé, un futur à construire, une certaine liberté. Josh Homme et ses amis excellent pour porter Iggy Pop à son apogée. Avec naturel, énergie et respect. Un mélanges de genres qui tournent autour d’une même idée. Le lâcher-prise et le plaisir. Le Rock vous remercie. Mes oreilles aussi.
Cheers.