Kasabian – West Ryder Pauper Lunatic Asylum

Killer tracks : "Fire", "Where did all the love go ?", "Vlad the impaler", "West ryder silver bullet"

« In yer face » !! Coup de poing dans le bas ventre, Kasabian ouvre son 3ème album avec un uppercut rock alternatif : « Underdog ». Précédée d’une intro téléguidée par un riff crade façon Tom Morello, la voix de Tom Meighan, tel un boxeur montant sur l’arène, entre en scène et frappe de son punch : « Kill me if you can ! » Kasabian annonce la couleur. D’une incroyable modernité, l’album « West Ryder Pauper Lunatic Asylum » ouvre la boîte de Pandore et libère un incroyable kaléidoscope d’influences : pop rock, krautock, electro, flamenco, rock psyéchédelique, trip hop, folk,… Tout y passe sous la férule de Serge Pizzorno, guitariste lead/chanteur et tête pensante du groupe, sorcier maléfique capable de mélanger les genres et de donner une identité bien particulière au son de son groupe. Dan the Automator, producteur de Gorillaz l’y aidera pour beaucoup.

Avec « Where did all the love go ? » au refrain fantastique, le groupe s’adonne à une pop endiablée qui groove sévère avant de tourbillonner sur un pont orientalisant qui fait onduler du ventre ce titre très britpop. Kasabian s’encanaille plusieurs fois avec l’orient à l’image de ce punk hallucinogène qui habite « Fast fuse ». Sur un flow limite hip hop, Tom Meighan assène un second uppercut, la tête vrille, des riffs tantôt hispanisants tantôt féroces pleuvent sur le bitume… Serge Pizzorno tel un ange noir balade un esprit de plus en plus confus, la basse de Chris Edwards martèle son groove hypnotique, Kasabian agresse et caresse. On en redemande, pris au piège.

Le corps s’affale… Puis s’envole, martyrisé, sur « Take aim » chanté par un Serge Pizzorno malfaisant. Des sirènes stridentes agitent ce folk complètement trip hop et dérangé. Puis soudain le ciel s’ouvre, les instruments à vent claironnent, la lumière radieuse perce et nous voilà embarqués dans la grande odyssée de Kasabian. Suivez mon regard, vous êtes Lawrence d’Arabie. Vous arpentez des étendues infinies de sable chaud… Entre en scène le boléro folk pop « Thick as thieves » qui n’aurait pas dépareillé sur un album des Kinks, suivi du monumental « West ryder silver bullet ». Une intro au charley repiquée au « Mellow Yellow » de Donovan par le batteur Ian Matthews donne le rythme. Juchée sur un chameau, la grande équipée s’enfonce dans les dunes. Kasabian est en pleine épopée exploratrice. La production, le son à la Ennio Morricone, l’ambiance est remarquable, joussive… Kasabian distille son mantra, la magie opère totalement, nous rêvons les yeux grand ouverts, extatiques…

Troisième uppercut. Un kick electro endiablé sur « Vlad the impaler » cogne sévèrement. Migraine, le rêve devient cauchemar. « Vlad the impaler » est une pilule punk rock electro hip hop vicieuse capable d’enflammer tout un dancefloor de rave party. Les influences de Wire et Gang of Four ne sont pas loin… Alka setzer avec « Ladies and gentlemen », ballade qui sent bon la gueule de bois. Tom Meighan chante tel un poivrot s’essoufflant dans un dernier élan romantique désespéré. La chanson n’est pas inoubliable… Remontée d’acide avec l’ésotérique « Secret alphabets », le groupe est en apesanteur, voguant dans les limbes, la vision se trouble, l’équipage esseulé du radeau de la méduse se cherche un rivage pour s’échouer dans la brume… S’échouer avant de se relever pour un dernier combat, portés par l’homérique « Fire ». La chanson attaque façon Western Spaghetti sous emprise hallucinogène, au ralenti avant de casser le rythme et décoller brutalement sur un refrain disco rock prodigieux car inattendu… Le disque se clôt sur la ballade soul « Happiness » qui nous rappelle au bon vieux temps de Primal Scream sur « Screamadelica ».

Cet album à la production remarquable se révèle d’une incroyable richesse à mesure que les écoutes se multiplient. La palette de couleurs, d’influences, d’ambiances est faramineuse. Le groupe a su imposer un album intelligent et inspiré allant puiser dans les sixties et seventies tout en ouvrant son horizon à un son contemporain voire futuriste. En 2009, lorsqu’Oasis splitte définitivement sur la scène de Rock en Seine, Noel Gallagher appelle Serge Pizzorno et lui dit : « C’est à votre tour de reprendre le flambeau les gars ». Un an plus tard, lorsque paraît ce 3ème disque, Kasabian a plus que magnifiquement repris le flambeau en signant une œuvre magistrale alors que « K », son précédent opus paru en 2006 avait déçu et ne laissait présager en rien un tel sursaut et un tel bijou. Dont acte.