Max Jury – Max Jury

Si vous êtes pressé, ne partez pas sans emporter avec vous "Princess", "Beg & Crawl", "Numb" et "Ella's Moonshine".

On entre dans l’univers de Max Jury par la grande porte. Des ornements de soul music tapissent le long corridor foulé par les pas d’une procession de silhouettes dont on devine aisément les contours. Un John Lennon, Neil Young et un Elton John de la première heure guident la marche. Une Pop classieuse drapée dans une soul soyeuse. C’est ainsi que Numb ouvre la voie solennellement à ce disque frais, aérien et candide. La marque de Max Jury, 23 ans, originaire de l’Iowa. Lui qui se fit connaître en ouverture des concerts de Lana Del Rey frappe un grand coup avec ce premier disque (faisant suite à 2 EP). Numb pose le niveau. Un envol délicat. Des chœurs imbibés de gospel aux claviers porcelaines, tout est apesanteur et gracile.

On écoute ensuite ce sensuel Standing On My Own. Allongé sur le sol, on contemple la discothèque du bonhomme. On y devine des disques de grands chanteurs de Soul (Marvin Gaye, Bill Withers, Terence Trent d’Arby…) C’est d’ailleurs intéressant de constater à quel point la Soul opère un retour au premier plan ces derniers temps : les derniers disques de Michael Kiwanuka, Tobias Jesso Jr, Paolo Nuttini, Last Shadow Puppets… Les séries TV “The Get Down” et “Vinyl”. La Soul est une science à part dans les arrangements. Une vraie sophistication. La marque des Grands. Subtile et ostentatoire à la fois. Mais Max Jury est plutôt de ceux qui optent pour une élégante sobriété. A l’image de Grace et ses atours moelleux tricotés par un piano baladin et un écrin de guitares à la wah-wah charnelle.

Chanson suivante. Le rythme se casse la gueule dans l’escalier de Max Jury. Syncope. Un chant androgyne fait irruption. Beg & Crawl convoque la magie pop de John Lennon. Un refrain à se pâmer. En apparence si simple et évident. Une guitare harmonise pour lier le tout. Un pont éthéré sous des volutes de flanger. Recette d’une parfaite sucrerie pop mélancolique qui s’immisce viscéralement dans le crâne. Je suis incapable de me défaire de cette mélodie depuis bientôt un mois…

Cette remarquable tournerie pop cède la place à l’un des diamants du disque : Princess. Un refrain renversant. Terriblement poignant. Une armée de chœurs en guise d’étreinte. L’ensemble rappelle évidemment la dernière livraison mirifique de Michael Kiwanuka. Ce même sens de la tragédie. Cette même maîtrise des arrangements qui enveloppent l’âme sous un linceul hivernal. Un monde porcelaine. Une oraison quasi-funèbre. Un final jazz/soul couleur bleu nuit.

Max Jury change de registre et flirte avec la country sur un Ella’s Moonshine que l’on croirait exhumé des champs de coton… Un premier riff sautille. Un second opère des escarmouches immaculées de réverbe. Dans leur sillage des chœurs virils sinuent dans les graves. Un titre ensoleillé qui nous rappelle George Ezra, autre chanteur révélé il y a 2 ans et auteur d’un premier disque très abouti. Le souffle des légendes frémit à nouveau à l’écoute de Love That Grows Old. Un instantané Elton John. Dreams en revanche ne retiendra pas notre attention. Trop convenu, banal, sirupeux…

Max Jury a une vraie gueule. Celle d’un minet ébouriffé avec un léger air de Jude Law. Ses prestations live dévoilent un gamin inspiré. Accouchant de ballades piano poignantes à l’image du prologue Home digne des plus belles œuvres de John Lennon. Un piano noctambule et une voix éthérée évoluant dans de grands espaces. Un orgue funeste ajoute au pathos de ce disque qui parle beaucoup de ruptures amoureuses. On est également saisis par les ballades en clair obscur que sont Great American Novel et Little Green Jacket. Deux ballades à la dimension quasi cinématographique. Notre Max Jury n’a sûrement pas été insensible à la dramaturgie pop d’une Lana Del Rey et d’un Rufus Wainwright.

Ce premier essai recèle toutes les qualités d’un futur grand nom de la musique. Décidément nous avons devant nous un paquet de jeunes mecs bourrés de talent. Avec un vrai sens du raffinement. Leur musique est dense, élégante et aspirationnelle. Ils s’appellent Max Jury, Paolo Nuttini, Tobias Jesso Jr, George Ezra, Michael Kiwanuka… La relève incarnée par cette fabuleuse jeune garde est là. Vous auriez tort de passer à côté. Tous ont en commun une admiration sans faille pour la soul music. Laquelle élève leur métier à un statut suprême appelé l’Art.

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Le Rock me fascine depuis l'écoute du double bleu des Beatles dans la bagnole de mon père... Cette addiction s'est manifestée au sein de plusieurs groupes de rock et désormais à travers ce site érigé comme une sorte de cave à vin du Rock and Roll et ses dérivés. Pour nous-mêmes et à léguer à nos enfants. Péché mignon ? Les 60's et la Pop au sens noble du terme.