R.E.M – Green

Petits bijoux à mettre dans sa playlist : "Orange Crush", "Hairshirt", "Untitled" et "I remember California".

Parue en 1988, la sixième livraison des américains est l’album de la rupture, celui qui va propulser REM en orbite planétaire. La première période 1980-1988 de la carrière du groupe se referme. REM délaisse son statut de groupe indé au sein de la scène alternative rock. Mills, Stipe, Berry & Buck signent sur la major Warner Bros. mettant fin au contrat qui le liait avec le label underground I.R.S. Le groupe s’offre ainsi les portes d’un réseau de distribution et promotion mondial, en total schisme avec le réseau des radios universitaires US qui avait bien fait leur job jusqu’ici pour faire du quatuor l’un des groupes majeurs de la scène alternative rock US.

“Green” est un disque éclectique qui rompt avec les codes de composition habituels du groupe. Un disque bien plus pop que les précédents, en phase avec la volonté du groupe à s’imposer en dehors de son territoire natal. On y retrouve cependant toujours cette touche de gravité caractéristique chez Michael Stipe dans son timbre de voix incantatoire et chevrotant. Un disque plus commercial que ses prédécesseurs à l’image des chansons pop festive Pop Song 89, Stand, Get Up et Orange Crush. REM s’ouvre aussi à un univers plus folk pop en enrichissant sa palette de sons avec une mandoline, nouveau péché mignon de Peter Buck, l’ajout de violoncelles, guitares pedal steel, de claviers sur de nombreux titres. Loin des standards garage rock auxquels le combo nous avait habitué par le passé. La belle et lumineuse You are the Everything explore une voie folk pastorale totalement inédite pour le groupe, prémices des futurs hits pop mélancoliques qui viendront illuminer la suite de sa carrière au début des années 90.

Stand pose les bases de que sera Weezer quatre ans plus tard. Un calibre pop rock angulaire qui a mal vieilli. Un titre qui pêche par son côté juvénile et assez niais. Ultra commercial et pénible, on ne s’éternisera pas sur ce rock balourd. En la matière, Get Up frise également la correctionnelle avec ce “Get up ! Get up !” entonné à la ronde par Mike Mills et Bill Berry. Agaçant. Un peu facile et téléphoné. Tout le contraire avec Untitled qui clôt l’opus en finesse avec une subtile touche de dramaturgie. Un clavier ludique, une batterie simpliste, des accords hâchés, une fausse joyeuseté au service d’un grand Michael Stipe bouleversant au chant sans verser dans le pathos.

On est davantage convaincu lorsque l’on retrouve un Michael Stipe empreint de gravité, solennel et militant sur World Leader Pretend, diatribe écrite en pleine campagne présidentielle US à l’intention de Ronald Reagan. Le groupe livre une ballade piano mélancolique aux accents country avec l’emploi d’une guitare pedal steel en accompagnement. Paisible. Une mandoline tricote. Voici The Wrong Child qui confirme l’ouverture du groupe vers d’autres horizons. Le décalage quasi-narratif entre les deux voix lead de Michael Stipe sonne un peu suranné cependant. Dans le même genre Hairshirt qui complète cette trilogie folk bucolique est bien plus réussie et touchante dans son interprétation. Elle annonce les futurs “Daysleeper” et autres “Everybody hurts” du groupe.

Il flotte un air de Nirvana dans I remember California . Kurt Cobain and co ont d’ailleurs formé leur groupe l’année précédente. La frappe de la batterie est plus lourde que sur les autres titres de l’album, Stipe chante avec un timbre éraillé qui n’est pas sans rappeler celui de Cobain. Et les guitares lancinantes de Peter Buck ont certainement influencé le jeu grunge rock du groupe de Seattle. Au même titre que Big Star et son rock indé lo-fi, The Byrds et le jeu de guitares carillonnantes tout en arpèges de Roger McGuinn ont façonné le jeu de REM pendant toute la décennie des années 80 jusqu’à cet album.

Pétarade sur la caisse claire, riff languissant couché sur une basse au groove soyeux, Orange Crush est LE moment fort de l’album. Refrain génial et accrocheur, interlude faisant écho aux messages de propagande militaire US, Orange Crush est un autre pamphlet décoché par le groupe à l’encontre de l’armée américaine et de l’emploi de l’agent Orange, arme chimique développée par la firme Monsanto et utilisée à des fins militaires lors du conflit au Vietnam. La chanson est d’ailleurs traversée d’effets de guitares rappelant le bruit des pales d’un hélicoptère. Turn You Inside-Out creuse le propos rock activiste avec des textes ciblant directement la société Exxon au lendemain de la catastrophe écologique Exxon Valdez. Sur un groove aux enluminures funky Michael Stipe assène sa bile. Morne plainte des chœurs. Les guitares défouraillent acrimonieusement. La seule touche eighties qui scelle le titre survit assez bien à l’épreuve du temps à l’image de la quasi-totalité de l’album.

Avec ce disque les américains referment les années 80 de la plus belle des manières. Dans leur sillage, Nirvana, Pavement, Radiohead et d’autres groupes alternatifs émergeront en revendiquant l’héritage clé laissé par REM.

Près de 30 ans après sa sortie, ce disque n’a pas pris une ride grâce à une production remarquable et en rupture avec les standards années 80 de l’époque.

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Le Rock me fascine depuis l'écoute du double bleu des Beatles dans la bagnole de mon père... Cette addiction s'est manifestée au sein de plusieurs groupes de rock et désormais à travers ce site érigé comme une sorte de cave à vin du Rock and Roll et ses dérivés. Pour nous-mêmes et à léguer à nos enfants. Péché mignon ? Les 60's et la Pop au sens noble du terme.