Sex Pistols – Never mind the bollocks

Un monument de l'histoire du rock. Inévitables : "Anarchy in the UK", "God save the queen", "Submission", "Pretty vacant" et "Holidays in the sun".

“Shocking” ! Sans doute l’un des mots les plus prononcés en cette année 1977 dans les familles anglaises horrifiées par l’intrusion d’un jeune nouveau groupe venu éructer son rock chaotique qu’on appellera plus communément Punk, un mouvement qui émergea d’abord à New York vers 1975 (Ramones, New York Dolls pour les groupes les plus connus). Les Stooges posèrent les bases de ce son en 1969 voire même les Beatles avec le titre “Helter Skelter” en 1968. Et si l’on remonte le temps, les racines sont à trouver dans le garage rock avec des groupes du calibre de The Standells, The Sonics ou MC5.

Mais les Sex Pistols sont arrivés et l’ont joué beaucoup beaucoup plus violent de sorte à en définir le son et la personnification ultime. Non Green Day et Blink 182 les amis, ce n’est pas du punk rock…

Brûlot cultissime et disque majeur de l’histoire du rock : “Never mind the bollocks” est l’œuvre d’un groupe monté et signé par le grand Malcom McLaren.  Publié sur le tout nouveau label Virgin Records fondé par Richard Branson, on a affaire ici à un disque enragé et corrosif. Un crachat à la face du Royaume-Uni. Le premier et dernier des Sex Pistols qui imploseront au bout de 2 ans d’activité avec l’overdose de Sid Vicious.

L’ouverture “Holidays in the sun” pose tout de suite le ton. Une marche militaire en guise d’intro. Ca va dégommer sec dans les baffles de la hi-fi… Guitares en avant toute, le son est crade, le crunch est au volume maximal, le potentiomètre au bord de l’explosion… On découvre la voix de John Lydon alias Johnny Rotten. Un ovni. Souvent singé depuis mais jamais égalé car unique. Ce dernier hurle, invective, provoque, crache sa bile effrontément, porté par un groupe qui répand son venin abrasif. Les Sex Pistols ne sont pas là pour faire dans la dentelle. “Bodies” enfonce le clou. Ça va saigner sec. Planquez femmes et enfants dans les caves, les voyous sont de sortie et ça va être la guerre !

Et tout le disque sera de cette trempe. Un disque pour aliénés, une bande son rock autant pour “Orange Mécanique” que pour “Vol au dessus d’un nid de coucou”…

Les Pistols, ces rejetons d’une Angleterre révoltée contre le conservatisme ambiant, contre les bonnes manières, anti-royalistes, anti-tout, apôtres du slogan emblématique punk : “No Future”. Fuck l’establishment. Tel est le maître mot de cette année 1977. “Never mind the bollocks” est une ogive nucléaire qui fracasse tout sur son passage. Démolition en règle du rock en vogue à l’époque : rock progressif et expérimental, glam rock, classic rock, hard rock etc. Le punk est l’ouvrage de groupes qui n’ont pas fait leur classes comme leurs illustres aînés (Keith Richards, Jimmy Page, Pete Townsend & co), l’idée se résume à jouer vite, fort sans se soucier de si cela doit sonner ou non. Les Ramones avaient ouvert la voie. Les Sex Pistols l’incarneront. En accouchant d’un disque complètement dingue, avec des classiques du genre tel ce “God save the queen”, porté par un riff et solo anthologique de Steve Jones, et “Anarchy in the UK”. Deux titres qui résument à eux seuls le propos et l’essence même du mouvement punk : le nihilisme dans sa forme la plus rock and roll.

Bon nombre de groupes punk ne savaient en réalité pas jouer, se contentaient de plaquer quelques accords à toute berzingue pour un résultat pathétique et inaudible. Seule comptait l’énergie et les textes acérés. Sauf que les Pistols savaient jouer en l’occurrence. Paul Cook (batteur) et Steve Jones (guitare, basse) ont ainsi enregistré la quasi totalité du disque (Sid Vicious jouera la basse sur “Bodies” et Glen Matlock sur “Anarchy in the UK”). Au centre, le chanteur, l’animal scénique : Johnny Rotten dont le timbre restera à jamais inimitable à l’image de cet “Anarchy in the UK” qui est un appel à dégainer son cran d’arrêt. Johnny Rotten y déverse son venin paranoïaque en roulant des “r” et en braillant avec folie et classe des mots tels que “destroyyyyyyy” et “anarchyyyyy”. Splendide.

Le disque posera certaines bases du grunge rock quinze ans plus tard à l’image de chansons comme “No feelings” ou “Liar” avec leurs power chords hurlants… Tout le disque est un cri de ralliement à la meute à l’image de “Submission”. Les Pistols sont subversifs et entendent bien le faire savoir. Les Clash qui seront considérablement influencés à leurs débuts (leur premier disque paraitra également en 1977) par eux seront du menu fretin en comparaison, des enfants de chœur… Car les Pistols s’époumonent à décrier un Royaume-Uni qui n’a plus d’espoir à offrir. Tout est noir, perdu, vide de sens… Le royaume est dépeint comme un régime fasciste, la Reine comme un emblème désincarné, dénué de sentiments, cynique,… D’où le son corrosif des guitares, d’où la batterie frappant chaque tom comme un poing dans les entrailles et d’où ce chant lapidaire et totalement je-m’en-foutiste à l’image de la chanson “New York”.

“Pretty vacant”, autre titre anthologique, manie l’ironie et le sarcasme avec un propos outrancier entonné en choeur par tout le groupe : “Oh we’re so pretty, oh we’re so pretty vacant, but we don’t care”. Cette bande de déglingués ne relâchera jamais la pression jusqu’au douzième et dernier titre, “EMI”, où ils s’en prennent avec pincettes aucunes à la maison de disque aujourd’hui disparue et qui signa le groupe avant de rompre le contrat. “Nevermind the bollocks” avait été jugé tellement outrancier et vulgaire à l’époque que bon nombre de maisons de disque refusèrent de le produire (CBS, Decca, Pye et Polydor).  Même son de cloche du côté des distributeurs qui avaient décidé de ne pas placer le disque dans les bacs… Les disquaires indépendants prirent alors le relais et l’album se classa n°1 à sa sortie. Le disque controversé fut l’objet d’un emballement médiatique et politico-judiciaire sans précédent dans l’histoire du rock. Les Pistols multipliant les obscénités en concert et dans les plateaux TV où ils étaient invités.

Il y eu un avant et un après Sex Pistols. Et rien ne fut plus jamais pareil. Le punk étant souvent qualifié de dernière révolution rock. Dans son sillage, le disque marquera et influencera de nombreux groupes (The Damned, The Clash, Buzzcocks, Black Flag, NOFX, Nirvana, Stone Roses, Oasis, The Vines,…)