The Get Down (saison 1) – La genèse du Hip Hop

Rocknrank est un site estampillé rock au sens large il est vrai. Pourquoi diable chroniquer “The Get Down” ?

Mais le Rock, lui-même né du Blues, capable de flirter avec le Jazz (pour donner naissance au Prog Rock) ou la musique électronique, a su aussi tutoyer des genres tels que le Funk, le Reggae, la Soul ou le Disco. Tous ces mariages, ces mélanges des genres au risque de froisser les puristes, a permis de faire fleurir un nouveau genre, des nouveaux genres : Hip Hop (et plus tard le Trip Hop sous influence jazz, psychédélique et electronica) et dans son sillage le Rap, le R’n’B & co.

Chez Rocknrank, nous ne sommes pas des connaisseurs de tout ce qui trait au Hip Hop, Rap ou R’n’B. C’est certain. Si on nous parle Hip Hop, on va aller lorgner du côté de The Streets ou Jamie T. Les petites frappes anglaises à l’accent impayable. Des artistes comme les Arctic Monkeys dont les influences Hip Hop sur un album comme “AM” sont évidentes. De même que pour un Kasabian, Beck ou Eels par le passé.

On est donc des bleus en la matière. On ne sera (a priori) jamais des fous furieux de Hip Hop comme de Rock. Ceci dit, lorsque l’on tombe sur la dernière série produite par Netflix intitulée “The Get Down”, c’est la mâchoire décrochée et les yeux écarquillés que nous nous laissons aspirer par un New York Bronx 1977 où le Hip Hop émerge des entrailles de la black music. FA-SCI-NANT.

Le pilote signé Baz Lurhman est absolument DINGUE. Quand on connaît le réalisateur, on sait que niveau ambiance et rythme, cela ne va pas tricher. Rappelez vous l’adaptation déjantée et surréaliste de “Romeo & Juliette”, la vivacité colorimétrique de “Moulin Rouge” et l’atmosphère féérique de “Gatsby le Magnifique”. Une vraie signature. A l’image d’un Jean-Pierre Jeunet. Pas de demi-mesure. En général soit on aime soit on exècre.

Ce pilote donc… Barge. Frénétique. Une aspiration sous tachycardie. Un shoot d’adrénaline qui ne faiblit pas une seconde. Claque. Coup de pelle sensoriel. New York City Bronx – 1977 – nous disions. Une communauté Afro-américaine et Latino esseulées. Qui survivent comme elles peuvent dans un méandre d’immeubles de briques rouges en totale décomposition. Sa sœur ennemie, Harlem, n’est pas plus florissante. Guerre de gangs. Mecques urbaines du crack et des tapins. Un univers peu reluisant. Mais dans la nasse ? La musique. La musique comme échappatoire (clubs discos à profusion où l’on y danse, camés, jusqu’à l’aube). Et la musique comme espoir d’une vie meilleure en tentant d’y faire carrière parmi les déjà nombreuses divas disco et soul que comptent les États-Unis. C’est ainsi que “The Get Down” suit une bande de teenagers en quête de sensations, de vie meilleure et de gloire. Entre graffitis, déhanchés breakdance, scratches sur vinyle et punchlines assénées lors de “parties” underground. Loin du tumulte Disco en vogue mais sur le déclin.

Mais pourquoi 1977 ? Outre la sortie du premier Star Wars (dont la série se fait le clin d’œil) il s’agit là d’une date majeure dans l’histoire de la Musique.

Flashback les amigos !

Elvis, le King, plus seul que jamais, l’incarnation rock ultime, meurt d’une overdose.

Le Punk triomphe. Il est au fait de sa gloire éphémère. Les Sex Pistols scandalisent la Perfide Albion. Leur album d’une totale violence, “Nevermind the bollocks”, est un carton. En 1977 The Damned sortent leur premier disque (“Damned Damned Damned). Ainsi que The Clash (“The Clash”) qui en appellent à l’émeute et au rejet des USA. The Jam, autre éminente formation punk britannique, sortent également cette même année leur premier pamphlet : “In the City”.

Le pays de l’oncle Sam n’est pas en reste. New York est une métropole malade. Rongée par la pègre, la coke, le crack et la faillite. Le Punk prend forme sur ce terreau grisâtre. The Ramones publient deux manifestes résolument punk (“Rocket to Russia” et “Leave Home”). New York voit émerger une scène Garage et Art rock majeure avec Patti Smith (son deuxième opus “Radio Ethiopia”), Blondie (“Plastic Letters”) et Television (le mythique album “Marquee Moon”). Les Talking Heads offrent une vision plus arty du Punk avec leur premier chapitre “Talking Heads : 77”.

Bref une année séminale pour le Rock comme le fut 1967. Mais ça c’est du côté des blanc-becs. Le rock vit sa dernière vraie grande révolution avec l’avènement du Punk. Le club CBGB à NYC en étant l’illustre épicentre.

Pendant ce temps-là une autre révolution s’opère. Et qui va inonder les radios, les clubs et les charts pour les 40 ans à venir. Le Disco vit ses dernières heures de gloire. Le mythique Studio 54 commence à chanceler. Les artistes black ont cartonné avec le Disco. Comme pour la Soul avec la Motown. Le Disco, has been aujourd’hui, a été pourtant un mouvement clé. Innovant. Moderne. Il sublime la notion de Beat. Les basses explosent. Le groove et les Bpm tout autant. Blondie s’en appropriera les codes côté Rock. Toute une génération de DJ s’exercent sur le Disco en y saupoudrant du Funk pour accentuer le groove et la folie du bootie shake sur les dancefloors. Ces mêmes DJ perfectionnent leur technique. Leur mix.

En bons apprenti-sorciers, il fusionnent une foultitude de genres. Ne prenant que le meilleur d’un morceau même quand celui-ci est mauvais. Ne conservant que la substantifique moelle. La sève. Le Graal. Du genre 15 secondes d’un riff de basse funk répété en boucle sur la platine de gauche et 7 secondes d’un loop de batterie disco sur la platine de droite. Du genre James Brown s’éclate avec Funkadelic et Donna Summer. Et à la fin, ça donne naissance à des DJ fondateurs. Des mythes. Tel Grandmaster Flash incarné dans la série.

A ces mix on viendra y greffer un flow, des paroles, des rimes percutantes, des punch lines… C’est la naissance des MC’s (“Master of Ceremonies”). Ces fameux MC’s qui chauffent les “Bloc Parties”, ces fêtes improvisées sauvagement entre quatre barres d’immeubles à New-York. Le Hip Hop est né. Dans un essaim underground. On est en 1977. Et jamais le Hip Hop, dans sa version la plus protéiforme, n’a semblé aussi jouissif. Du grand art. Du grand art qui comme le rock se verra abîmer par du mainstream de mauvaise facture. Mais en 1977 et pour les 15 années qui vont suivre (de Grandmaster Flash à Cypress Hill en passant par NWA), c’est bien une nouvelle révolution qui est à l’œuvre. Un séisme qui va reléguer le Rock en second plan.

Et c’est cette histoire que la série raconte à travers celle, fictive, d’un combo d’adolescents (Shaolin, Ezekiel, Dizzee, Boo-Boo et Ra-Ra) mais dans laquelle des Dre Dre, Nas et autres Snoop Dog pourraient se reconnaître.

La série produite par Netflix, “The Get Down”, raconte cette genèse. Un narratif qui boxe. Des acteurs excellents (Justice Smith, Shameik Moore, Jimmy Smits qu’on avait vu notamment dans la série “Sons of Anarchy”,…) Une BO géniale. Et une esthétique visuelle (notamment le Pilote) remarquable.

“The Get Down” (saison 1 – 6 épisodes) est le pendant Hip Hop de la série “Vinyl” qui jetait son dévolu sur un New York des seventies en pleine explosion Punk et Garage rock. Mais “The Get Down” réussit là où “Vinyl” (dont la production a été avortée par HBO après 1 saison) avait partiellement raté le coche : à savoir plus de rythme et davantage de contenu réellement axé sur la musique.

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Le Rock me fascine depuis l'écoute du double bleu des Beatles dans la bagnole de mon père... Cette addiction s'est manifestée au sein de plusieurs groupes de rock et désormais à travers ce site érigé comme une sorte de cave à vin du Rock and Roll et ses dérivés. Pour nous-mêmes et à léguer à nos enfants. Péché mignon ? Les 60's et la Pop au sens noble du terme.