The Vines – Highly Evolved

Killer tracks : "Outthaway", "Get free" et "Highly evolved".

Que donnerait le croisement génétique d’Oasis, des Stooges et de Nirvana ? « Highly evolved » de The Vines et produit par Rob Schnapf (Elliot Smith, Beck, Booker T Jones) : un brulôt grunge/pop/noise rock semant la guerre et la paix à la fois, aux incantations abrasives et hallucinatoires. Dans cet enfer de Dante, des orchidées poussent au milieu des flammes… Voilà le tableau.

Une grenade dégoupillée par Craig Nicholls (chant/guitare/claviers et auteur de la pochette du disque) et son Australien de groupe inaugure l’album : l’éponyme “Highly elvolved” saccage tout sur 1 minute et 33 secondes de pur incandescence : un riff de six-cordes géométrique et propret sur les couplets précède une coulée de lave distordue sur les refrains où la voix de Nichols hurle et crache son venin à la manière d’un Kurt Cobain sanglant. Avec « Autumn shade », The Vines oppose immédiatement un autre style, une flower pop sixties fanée et céleste. Le chant désabusé se love en sandwich entre l’orgue et le piano. La morne plainte s’achève dans un crescendo de chœurs aériens et de guitares lancinantes creusant des plaies au fer rouge…

Craig Nichols est atteint du syndrôme d’Asperger. C’est-à-dire que le jeune garçon est névrotique, incontrôlable, barré. C’est une forme d’autisme très rare qui est aussi la marque d’un certain génie chez ceux qui en sont atteints. L’écoute de « Outthaway » incarne parfaitement cette ambivalence. Un titre pop d’une violence géniale, folle. L’enfer s’ouvre sur nos pieds, déchaînement de distorsion, guitares grunge en avant (revival « In utero » de Nirvana), hurlements issus d’un asile pour aliénés, oui Craig Nicholls est complètement perché et atteint… Derrière cette violence inouïe, des chœurs angéliques phosphorent, avec ironie, comme pour mieux appuyer cet univers schyzophrénique…

Le trip psychotique se poursuit sur un « Sunshin’ » aux couplets pop ondulatoires (ce groove de basse !) avant que ceux-ci ne se fracassent sur un blitzkrieg de guitares écorchées. C’est toujours ce même contraste rage/paisibilité qui fascine sur ce disque. Un exercice du genre parfaitement maîtrisé par les Vines, dans la digne lignée de Nirvana (l’incroyable « Get free » qui déboule comme un missile plein de furie avec ce riff de guitare obsédant et menaçant…).

Lorsque The Vines calme le jeu, c’est sous prozac que les Australiens érigent leurs chansons à l’instar des nauséeux et planants « Homesick » et de la ballade sous psychotrope « Mary Jane ». Sur ces titres, The Vines invoquent avec mélancolie les Beatles, Oasis et Elliot Smith. Effets vintage sixties dans les guitares, notes discrètes de piano en toile de fond, voix nappées de réverbe, toujours ces chœurs atmosphériques et étrangement habités,… Il y a même un peu de Pink Floyd période « Saucerful of secrets » dans le joli final instrumental de « Mary Jane ». « Country yard » est un « Obladi Oblada » (The Beatles) revisité sous perfusion Nirvana/Stooges avec toujours ce mélange pop/grunge/proto punk. Le dernier titre, « 1969 » ne déroge pas à la règle avec la fusion Oasis (le chant effronté et braillard), Nirvana (la mélodie écorchée vive) et Stooges période « Fun House » (le mur de guitares brûlantes).

Cette recette typique du son The Vines aurait sans doute mérité d’être un peu tassée sur la durée de l’album. « In the jungle » et « Ain’t no room » sont les titres de trop parmi les douze. Répétitifs, indigestes…Il usent le filon jusqu’à la corde. « Highly evolved » reste néanmoins un excellent premier album. Les autres n’égaleront pas ce niveau. Craig Nicholls sombrant de plus en plus dans la démence, le groupe se produira de plus en plus sporadiquement sur scène, Nicholls étant de plus en plus sujet à des crises de convulsion,… Anecdote savoureuse : en mai 2004, Nicholls et Matthews (bassiste) se battent sur scène, à l’Annandale Hotel. Craig Nicholls fracasse une de ses guitares sur la tête de Matthews qui s’écroule sur scène en hurlant, le chanteur insulte alors le public qui rigole: « Why the fuck are you laughing? You’re all a bunch of sheep. Can you go bêêh?” Epique.

En conclusion, si vous aimez Nirvana, les Stooges, Oasis et les Beatles, cet album de synthèse et teinté de folie est fait pour vous. Sinon passez votre chemin.