On avait quitté Captain Kid (alias Sébastien Sigault dans la vie civile) avec un premier album paru en 2012 absolument somptueux, un chef d’oeuvre cinq étoiles chroniqué ici sur Rocknrank. On salivait depuis quatre longues années à l’idée d’entendre son successeur. Le parisien a pris son temps, deux ans en studio, en solitaire, pour mettre en couleur une musique qui foisonne d’idées. On s’attendait donc à un deuxième petit chef d’oeuvre dans la lignée folk pop baroque de son premier disque : “67 songs”. Verdict ?
S’il fallait qualifier le Parisien, on pourrait aisément le comparer à un mix entre la folk baba cool de Herman Düne et la dream folk pop du songwriter suédois Peter Von Poehl. D’ailleurs le timbre nasillard de Captain Kid est à situer entre ces deux mouvances. Don’t ouvre le disque, un préambule fugace folk emmené par un vibrato tremblant et buccolique. Une entrée en matière gantée de velours. Sun one emboîte le pas sur un gimmick pop sixties qui fait inévitablement penser à la folk pop psyché de Cornershop : claviers cosmiques, basse rondelette, percussions orientalisantes, batterie passée au phaser afin de donner cette teinte pyschédélique à cette jolie tournerie pop. Une bonne chanson enjouée qui sent bon l’été.
A+B creuse le sillon sixties, un petit mellotron en embuscade, une guitare cristalline en filigrane, cela commence plutôt bien mais une accumulation d’arrangements vient un peu plomber le tout sur les refrains rendant l’ensemble indigeste…Et ce chant excessivement nasillard qui a le don d’agacer sur la durée… Un défaut perceptible sur le premier disque mais qui est exagérément traité ici…
La touche et le timbre de Peter Von Poehl sont une évidence flagrante à l’écoute de l’onirique et mélancolique Saturn’s Eye. Une très belle ballade traversée de cavités folk psychédéliques. La chanson progresse sur un damier acoustique où plénitude et lumière irisée caressent voluptueusement l’âme. Le final surfe sur des choeurs en songes d’une nuit d’été, le corps se laisse enfoncer dans une lagune de sable, la pupille se dilate au son d’arrangements orientalisants… Le souffle chaud du Sahel enrobe la composition.
Survient Undisclosed et ses élucubrations pop discoïdes à grand renfort de basses et claviers rétro-futuristes. Une chanson au son contemporain. Un petit coup de fouet (pour cet album plutôt posé) mais dont on sait d’avance qu’on finira par se lasser… Après le court intermède science-fiction Oscar Captain Kid isole sa pop dans l’intimiste Upon the Edge. Une promenade en forme de rêverie glissant sur un alliage soigneux de mellotron, piano et clavecin. L’ombre de Nick Drake s’immisce subtilement dans chaque entrefilet de la chanson. Superbe.
La chanson X or Y tente de dynamiser le propos mais la sauce ne prend pas. On reste interloqué devant cette batterie épileptique à côté de la plaque… Effets de chorus à outrance et guitares slide omniprésentes achèvent de noyer complètement la chanson. Soulagement quand survient la déglinguée Talkin’ to a Dead Parrot, ritournelle désabusée de 1 min 30 illuminée par une flûte pastorale.
Lovin’ you est une litanie ouattée, une ode à l’amour étoufée par un synthétiseur aux oscillations claustrophobiques. Une ballade prog-rock qui évolue dans une catacombe sonique. Un beat langoureux aux allures de préliminaires. Un murmure évanescent. Touchant. Rêverie démontre encore une fois l’ingéniosité et le talent certain de Captain Kid en matière d’arrangements. Rêverie ou l’art maîtrisé de transformer une ingénue ballade acoustique en ravissant médaillon folk pop ? Un mix parfait, une aquarelle instrumentale tout aussi parfaite : cette basse qui bourdonne, cette acoustique qui esquisse des pas de chat, ce piano languissant, ce tambourin qui scintille, cette grosse caisse qui vacille, et cette guitare slide savoureuse qui lustre la coupole d’ivoire enfermant le tout. Magique.
The Favourite song est au bord de renouer avec les travers bordéliques de la chanson titre X or Y. Mais la chanson évolue peu à peu vers un dédale prog-rock réussi une fois franchie la borne kilométrique pop west coast à 1 min 45. Un solo kaleidoscopé précède d’autres bizzaries space jazz emportant la chanson en plein barnum surréaliste. Le final est absolument génial. On se quitte sur un dernier souffle avec On your own. Les paupières se referment lourdement au son de cette douce échappée vers la galerie des songes… La pochette de l’album prend tout son sens à l’écoute de cette délicate fugue spatiale.
“X or Y” est un bon disque mais qui n’égale pas le coup de maître de son prédécesseur lequel était en tout point parfait. Mais Sébastien Sigault force l’admiration par la qualité des arrangements qui parviennent souvent à prendre le dessus sur la composition en la sublimant. Des arrangements différents du premier opus en allant chercher l’inspiration vers des territoires plus prog-rock, jazz et parfois electro. L’intelligence artistique du Capitaine est de s’en approprier les codes avec subtilité et de saupoudrer sa folk pop de juste ce qu’il faut. Doser est un art. Une intelligence même. Démonstration réussie.