Creedence Clearwater Revival – Creedence Clearwater Revival

En huit chansons (hors les quelques bonus live/faces b qui vont avec l'album dans ses différentes rééditions), les Creedence viennent de rentrer au panthéon des plus grands groupes de rock. La suite sera toute aussi exaltante.

En 1968 Tom Fogerty (guitare rythmique/chant), John Fogerty (composition/chant/guitare lead), Stu Cook (basse) et Doug Clifford (batterie) font une entrée fracassante sur la scène rock US après de longues années de gestation. Le jeune combo d’une vingtaine d’année en moyenne pose la première pierre séminale d’une courte carrière qui s’arrête en 1972 après 7 albums studios enregistrés en l’espace de 6 ans (!)

Les quatre gaillards ont grandi au son du blues de la Nouvelle Orléans et de la country music. Leur musique s’approprie les codes de géants du blues comme Howlin’ Wolf, Robert Johnson et Muddy Waters. Ils y distilleront une dose de fureur et d’énergie qui fera d’eux l’un des groupes live les plus passionants de la néo-scène blues rock US.

Ce premier disque s’ouvre sur la reprise I put a spell on you de Screamin’ Jay Hawkins. Pas une mince affaire sur le papier quand on connaît l’originale ! On y découvre la voix rocailleuse et ultra puissante de John Fogerty qui du haut de ses 22 ans a l’air d’avoir déjà écumé les années au fond d’une cuve de bourbon. Les Creedence font de ce titre un monument de blues rock émaillé de saillies guitaristiques explosives. Etirée sur de longs interludes instrumentaux, la chanson s’envole sur des moulinets de guitare dévastateurs. Doug Clifford mitraille ses fûts sur un groove bluesy et lancinant. Impression de se laisser porter par une valse diaboliquement saccadée. Extrait live en 1969 à Woodstock ci-dessous.

The working man asseoit ce qui sera définitivement la touche Creedence. Un exercice sautillant de country/blues rock électrocuté à coups de riffs et solis épileptiques. Le tout en tremoloes, l’une des marques de fabrique du jeu de guitare de John Fogerty. Les californiens n’ont rien de commun avec leurs pairs de la scène rock west coast de l’époque. Leur horizon artistique étant davantage porté par la musique traditionnelle de la Louisianne, des abords marécageux du Mississipi.

Suit la reprise de Dale Hawkins, Suzie Q. Transformée en chef d’oeuvre également. Sur une rythmique et un riff méchamment binaire, le groupe accouche d’un blues rock tourmenté flirtant avec la vague psychédélique de l’époque : chant enfoui dans des effets d’écho et de flanger, interventions décalquées de choeurs dans un style baroque, flow éthéré de la rythmique… 8 minutes de pures élécubrations space blues rock. Fogerty envoie des solos déconstruits mais enragés à la pelle pendant que Stu Cook avance comme un soldat seul au milieu du feu avec son gimmick de basse au groove hypnotique.

Après cette échappée blues onirique, le quator poursuit sa route en renouant avec Ninety-nine and a half (won’t do) de Wilson Pickett. Un blues qui sent bon la tourbe et la rage. Fogerty extirpe toutes ses tripes sur cet incandescent manifesto blues. Derrière, ses accolytes brodent une rythmique sautillante truffée de riffs qui font la marque de fabrique de ce groupe.

Get down woman est un pur sang blues New Orleans. Piano saloon en bandoulière, les guitares tricotent des riffs pentatoniques qui implorent le ciel et s’escriment de leur toute leur âme. Creendece Clearwater Revival a de la “soul” à revendre dans son répertoire. Porterville, autre composition originale de la formation, creuse un sillon plus introspectif, plus brumeux que Gloomy appuiera davantage. On pense aux Doors et à Love à l’écoute de ce titre. Quelques effets de bandes inversées viennent tirailler la marche quasi-militaire de ce titre qui s’achève sur un trépidant final de jam blues rock psyché.

L’album se clôt sur le fantastique Walk on the water, l’une de leurs meilleures chansons si ce n’est la meilleure de leur carrière. Une basse qui dégringole entre en scène et déboule John Fogerty qui tel un archange maléfique prêche sa litanie d’un timbre désespéré et quasi-apocalyptique. On sent poindre la fin du monde. Une funèbre cavalcade militaire se déverse à la manière d’un tsunami sur des plaines désolées… Doug Clifford colle une branlée spectaculaire à sa batterie qui se transforme en cascade incontrôlable. Le ciel est transpercé, l’orage de feu et d’acier achèvera le reste…

La messe est dite.