Elliott Smith – Either or

Ne pas faire l'impasse sur Angeles, Between the bars et Say yes. Les 3 joyaux de l'album.

Musique de chambre. Vite faite, précipitamment enregistrée. L’instant présent. Les maux de l’âme sur une bande son. Tels quels. Ça crépite, grésille. Son imparfait. Cette batterie assourdie qui sonne creux, las, plombante. Pataude. Inspiré d’un livre de Søren Kierkegaard, l’album narre l’angoisse, le désespoir… S’ensuit une certaine lourdeur rétrograde avec “Alameda”, pauvre rythmiquement comme pour mieux mettre en valeur harmonies, composition et voix. Comme si cela permettait de raconter plus de choses encore.

Big jet plane? Non “Ballad of big nothing”. Inspiré. Une ballade qui n’en est pas une. Toutes basses dehors, qui remplit le vide. Un gentil chanteur sachant chanter, l’automne et ses vitres embuées. Un feu de cheminée. Un peu anonyme.

La sensibilité d’une rythmique effleurée. “Between the Bars” est une caresse réconfortante. Un havre de paix morne à peine susurré. La mélodie est magique, bien modulée et en même temps tellement évidente. Les basses claires, précises et redondantes ajoutent à la ritournelle.

Un peu orientale, légèrement Kinks, voici “Pictures of me” et ce petit quelque chose entraînant. Cette saccade positive qui fait que l’on sursaute et tape du pied dès 0’50. Une batterie et “10´15 on a Saturday Night” nous effleure l’esprit. En plus léger. Grisant.

Les grands espaces spirituels s’ouvrent désormais avec “No name no. 5”. Quelque chose de neigeux. De grand. De seul. Un Something in the Way qui nous fait gagner le nirvana.

Mélancolique, romantique. “Rose Parade” est un bonbon aux cordes subtilement jouées en double. Comme pour ajouter de la profondeur à un titre fait pour voyager. Complémentaires et douces, les harmonies valent le détour.

Justement. Aux frontières du slow pompeux et vide, se dessine “Punch and Judy”. On ne sait trop où, la chanson est comme cela. Téléphonée. Nous mettons pause, cette fois.

“Angeles” et son finger picking acharné nous enveloppe d’un voile protecteur apaisant. Des nuances qui jouent sur les mots, précis et harmonieux. L’instant gracile d’un musicien au service de sa musique. Qui compose, simplement.

“Cupid Tricks” est l’histoire d’une boucle de guitare électrifiée qui tourne. Envoutante et impliquée. Passons 2.45am, l’heure est à la sourdine.

C’est alors qu’une basse affûtée nous vole la vedette (“Say yes”). Pour finir sur des harmonies à plusieurs voix. Écoutez cette douce guitare mixée a droite qui emporte tout dans un écrin fragile, presque hawaïen. Balayage maîtrisée, rythme nuancé.

Rideau.
C’était beau, c’était harmonieux. C’était tout. Un simple battement de cils sophistiqué.
Certains diront que c’est triste, d’autres apaisant. C’est surtout remuant, la qualité du musicien étant ici au service de sa création.