Father John Misty – I Love You, Honeybear

Les titres incontournables: "Bored in the Usa", "Holy Shit, I Love You", "Honeybear" et "True Affection".

Father John Misty est en fait Josh Tillman. Ancien batteur des Fleet Foxes et barbu émérite, il annonça son 2e album “I love You, Honeybear” par le biais du Last Show with David Letterman:

https://www.youtube.com/watch?v=hIFrG_6fySg

A la fois naturel et recherché, sobre et symphonique il en fait des tonnes avec simplicité. Les rires enregistrés ajoutent au cynisme. Ce n’est pas “Born in the USA” mais bien Bored. Les mots sont crus, finement choisis. Le look parfaitement sage de Josh appuie un discours contestataire. Le marketing est loin, il en joue pour lancer au même moment ce sublime “concept album” selon ses propres mots. Et le concept est ici lui-même. L’amour, sa naissance, la rencontre, la dépendance. A 33 ans. Chapeau.

Et qui commence avec “I Love You, Honeybear” en ouverture. Un manège enchanté qui tournicote. Une wha-wha timide qui oscille à droite, les cordes ajoutent au mélancolique. Un clavier qui tricote. Une belle entrée en matière.

“Chateau Lobby #4 (in C for Two Virgins)” succède et l’on pense forcément aux 60s/70s. Bee Gees, Beach Boys, un vent positif. Bonne humeur communicative. Les cuivres emmènent ailleurs, air hispanisant à l’ombre d’une plaza de España.

Robotique et futuriste, “True Affection” apporte une modernité de machine. Romance d’amour via Internet, ou comment capter l’attention par système interposé. Très Hot Chip ou Metronomy dans le traitement. Voix compressées, beat enregistré, mais toujours cette simplicté apparente et un travail d’orfèvre de détails musicaux. La progression se fait spatiale.

“The Night Josh Tillman Came to our Apt” reprend cette nonchalance douce d’un “Massachusetts” des Bee Gees. Une mélodie simple, une guitare de feu de camp, une boîte à musique cosmique, une descente de violon qui pourrait être dramatique. Un sitar forcément exotique. Un tour de force joli et qui se ballade dans nos pavillons d’oreilles.

“When you’re smiling and Astride me” a quelque chose de Pink Floyd. Ce rythme lent, une basse qui chaloupe tendrement, une guitare tout chorus dehors qui est immergée et des cordes qui marquent la ponctuation. A Geat Gig plus folk, introspectif d’un homme qui se cherche. L’orgue et les roulements 70s. Un chef d’oeuvre mélodique de composition.

“Nothing Good Ever Happens…” joue la subtilité d’une guitare slide, une basse qui groove pour se faire entendre et une voix cristalline. Hawaï n’est pas loin à 2’00. Une interrogation qui résonne et une urgence qui nous prend sur le refrain. En apparence simple, le titre est à la hauteur des grands titres d’un Clapton, dans la douceur, l’écriture et l’ambiance cotonneuse qu’il réussit à créer.

“Strange Encounter” commence tel un titre des Beatles. Le jeu des harmonies à la voix, la mélodie simple et attachante, la batterie d’une parade militaire british. En plus rapide et sans cordes, la composition est comparable.

“The Ideal Husband” commence réellement à 1’24. Avec une grosseur de son qui déboîte, une saturation des niveaux, brouhaha qui devient une complainte ou un ultime appel. Le clavier ajoute à l’impression hypnotique. Une composition qu’Oasis aurait pu faire avec cette voix clamée et l’instru qui pousse derrière.

“Bored in the Usa” peut donc être vue comme une réplique à la chanson de Bruce Springsteen. Cynique. Drôle. Les rires enregistrés ajoutent à la caricature forcée, un trait forcément noirci d’un tableau du modèle américain et sa middle class.

“Holy Shit” est gentille, sobrement exécutée dans la pure tradition folk. Là encore la mélodie est un modèle du genre, quelques dissonances subtiles et changements de diction emportent le titre. Quand on apprend que ce titre fut composé le jour de son mariage, nous ne sommes pas surpris.

L’album se termine sur un titre arpégé un brin dark. Elliott Smith n’est pas loin dans l’intention. Une façon douce de terminer un album particulièrement varié et réussi. Vrai. L’histoire de sa rencontre avec Emma (dans un magasin), jusqu’à leur disparition. On aurait aimé terminer sur une note plus inattendue et optimiste, pour ouvrir encore ailleurs, vers d’autres champs musicaux.

Un grand et bel opus, signé du fortiche Father John Misty. Doux, équilibré, subtil, cynique, puissant, velouté, magique. Rien à ôter de ce shoot de folk recherchée. Une fois de plus, l’art de la nuance est délicat mais a trouvé son maître actuel. Je le répète, 33 ans. A suivre de très près.