Peter Doherty – Grace/Wastelands

Killer tracks : 1939 returning, A little death around the eye, Last of the English Rose

Puisque les Libertines, « les Libs » pour les initimes, sont de retour avec un nouvel et troisième manifeste rock en novembre de cette année, tel le phénix qui renaît de ses cendres, RocknRank s’est replongé dans le seul et unique album solo de Pete Doherty à ce jour.

Peter Doherty donc… Le camé le plus notoire de la Couronne britannique, s’entoure de manière inattendue et surprenante de Graham Coxon (le gratteux de Blur) qui l’épaule dans les arrangements guitaristiques de cet album. On y trouve aussi la voix charmeuse et tendre de Dot Allison. A la production, encore un proche des Blur avec Stephen Street aux manettes. Lequel réalise un travail d’orfèvre sur ce disque.

Douze titres dont l’un co-écrit avec Carl Barat (son acolyte des Libertines), A little death around the eyes, et un autre qui devait être enregistré en duo avec Amy Winehouse : 1939 returning. Douze chansons en forme de poèmes, douze chansons habitées par cette voix si unique, à la fois lumineuse et fantomatique. Le timbre hagard et magnifiquement bouleversant d’un junkie en rédemption, esseulé par les vicissitudes de sa propre vie, proche d’Amy Winehouse, l’autre enfant du rock disparue trop tôt et que Doherty aurait pu rejoindre plus d’une fois dans le cerceuil… Une vraie voix rock en définitive. Sans effet de manche, sans auto-tune, sans faux-semblant. Du brut. A la Joe Strummer (The Clash).

La dominante acoustique de ce disque est séduisante. Elle expose les musiciens sans artifice. Une franche réussite où sortent notamment du lot :

  • Le joyeux barnum jazzy de Sweet by and by évoque des Kinks jammant avec The Band ou Traffic. Ambiance vieux rade alcoolisé avec poivrots, tapins et bagarres dans l’arrière-cour…
  • Un Last of the English Rose façon Gorillaz dub unplugged avec ce mélodica vaporeux en proue du navire…
  • Le morne et cafardeux A little death around the eyes qui virevolte tel une valse folk rock happée par les ténèbres…Une chanson en forme de cygne noir, d’une beauté macabre désarmante…
  • 1939 Returning avec ses textes hantés autour d’un soldat de la Wehrmacht, brodés autour d’une musique bateleuse ponctuée de touches arabisantes, désenchantée, âprement mélancolique, quasi nauséeuse…
  • Arcadie et sa rythmique country guillerette où la voix au Bourbon de Doherty rappelle délicieusement les Clash. La voix de ceux qui ont vécu la vie à toute berzingue, sans concessions, quitte à y laisse ses plumes…

Aucune chanson à jeter hormis peut-être la léthargique Salomé… Ce recueil de chansons est marqué du sceau des Kinks et The La’s avec une ambiance désabusée telle que celle mise en exergue dans la musique de The Good, The Bad & The Queen, l’autre side-project de Damon Albarn.

Qu’on aime l’animal ou non, Pete Doherty, qui fait partie de la caste des abîmés de la vie, la superbe en plus, a un indéniable talent pour concocter des petites œuvres au romantisme raffiné et teinté de noirceur. Notre dandy héroïnomane se fend donc en 2009 d’un disque folk pop acoustique qui éblouit par sa fragilité, ses chansons initimistes et la majesté de ses textes poétiques convoquant ici des références ou des allusions à Lewis Carroll ou encore Oscar Wilde. C’est que le bougre, littéraire cultivé, obsédé par Rimbaud (figurant d’ailleurs sur la pochette), sait y faire en matière de textes comme ses illustres aînés Ray Davies (The Kinks), Morrissey (The Smiths) ou Jarvis Cocker (Pulp). Un très bel album en définitive.