The Coral – Distance Inbetween

Toutes les chansons valent leur pesant d'or. Mais on pourra attaquer avec "Chasing the tail", "Connector", "She runs the river" et "Beyond the sun".

The Coral est un joyau bien gardé. Le groupe est apparu en 2002 avec la scène post britpop et un premier disque magnifique et édifiant de maturité. Aux influences parfaites en tout point allant aussi bien puiser dans leur propre potager, le son Mersey de Liverpool, la folk Americana, le psychédélisme Arty de la scène anglaise des 60’s que le blues, jazz ou flamenco. Et cela à vingt ans à peine. The Coral est le combo le plus intelligent et le meilleur groupe créatif d’Angleterre. Ne mâchons pas nos mots. Pas un album a jeter. Exceptionnel en quinze ans de carrière et 8 albums.

Après un hiatus de cinq ans, le groupe revient avec “Distance Inbetween”, huitième mouture studio du groupe. De l’excellente came !

Ce nouveau disque rompt totalement avec le passé. Le groupe a opté pour un son plus lourd et compact. Josh Homme, les Queen Of The Stone Age et donc par filiation les Arctic Monkeys ont ils été les disques de chevet du groupe ces cinq dernières années ? Les Stoners vont aimer. Du semi-heavy rock aux essences psychédéliques instille tout l’album. Un disque sombre se mouvant dans une lumière crépusculaire.

Chroniquons cette étoile noire.

Connector : attaque sur un groove hypnotisant mené tambour battant sur un riff sinusoïdal et qui accroche immédiatement. Une grosse basse ronflante et tellurique bat sa coulpe. Du Doors sous testostérone. Un solo en son de scie Lawrence d’Arabie aiguise en toile de fond. Connector est un train fantôme. Un rock caverneux et ténébreux. Ses refrains bravaches sonnent la charge d’une cavalerie qui se refrène d’un ultime coup de harnais avant de commettre l’irréparable. Excellente introduction d’album. Épique. Bande son d’un péplum. Spartacus se tient fièrement au milieu de l’arène. Le glaive pointé vers le ciel.

White Bird : ou comment sonneraient aujourd’hui The Byrds, Crosby, Stills, Nash & Young cinquante ans plus tard ? Une ballade aérienne sclérosée par une mécanique infernale et ondulatoire. En bas l’enfer et le plomb. En haut l’archange étire sa toile céleste. Une atmosphère digne d’un “Welcome to the machine” de Pink Floyd sculpte ce son claustrophobique avec cette basse marteau piqueur qui pilonne un clavier salement baroque. C’est le chaos… Un chaos plein de poésie.

Chasing the tail : la claque de 2016 ? C’est bien parti pour. Monumental ! Une sorcellerie rock chamanique et jubilatoire. Josh Homme, Arthur Lee, Jim Morrison et Alex Turner dansent un vaudou sur un parterre de braises ardentes. Un riff goutte dans un écho stalagmite. Baroque et caverneux. Tribalisme des fûts. Ian Skelly assure une merveille de batterie. Son frère James campe sur son perchoir. A la barre de son vaisseau fantôme qui brave les rafales de pluies, la houle, l’orage… Un solo faussement approximatif aux airs flamenco jazz cisaille la nuit. Une chanson d’une beauté désarmante pour un équipage désarmé. Chef d’œuvre.

Distance in between : une éclaircie dans le tumulte dégainé par le brelan de chansons. Du répit pour les braves après cette diabolique traversée de l’œil du cyclone. La majesté des refrains lorgne à nouveau du côté de Crosby, Stills, Nash & Young, vers des immensités désertiques. On notera le splendide solo exécuté à l’ancienne dans un sublime écrin fifties .

Million eyes : le chant essoré avec un effet flanger confère au titre sa teinte subtilement psychédélique. Un riff guerrier sous-tend un propos frontal. Couplets et refrains élégiaques toujours façonnés au son d’une scène West Coast à laquelle le bassiste Paul Duffy et les deux guitaristes Paul Molloy & James Skelly ont rajouté du kérosène afin de bien graisser les rouages de leur manège mystique. Le final déroule sur une basse qui s’avance en éclaireur avant de laisser une première guitare porter la guérilla puis une seconde écorcher une plaie de plus en plus béante sur un solo que John Fogerty (Creedence Clearwater Revival) n’aurait pas renié.

Miss fortune : Propulsion. La machine chauffe. La carlingue est léchée par des flammèches de bandes inversées. Une guitare pique ici et là des banderilles de bends. Un côté Creedence Clearwater Revival revisité façon The Coral. Le titre le plus pop et enjoué de l’album.

Beyond the sun : – une magnifique ballade élevée au son d’un folk western. Flûtes pastorales et mellotron bucolique tissent un ensemble séraphique. Chevauchée des grands espaces. Une intensité dramatique imprègne l’air. Quelque chose de prophétique. Des pas foulent la terre des Anciens. Le sanctuaire de l’âme ouvre ses portes. Arthur Lee et ses acolytes de Love murmurent au loin… The Coral est en mission.

It´s you : une basse au ressort rebondissant, une broderie cousue de sons trémolos, un clavier sucré à la Black Keys allonge ses arrangements de cordes. On se faufile dans le palais des glaces. On se cogne aux parois du métronome. Coincé dans la mécanique des songes de cette boîte à musique.

Holy Revelation : incroyable, on croirait entendre chanter un Josh Homme rajeuni. De la musique pour bikers. Enfilez le casque, le cuir et démarrez la bécane. Asphalt rock trip. Engin instrumental au groove rutilant et huilé. L’air chaud frise les cheveux. Une bouffée de gasoil dans les narines. Marlon Brando vous salue. “L’équipée sauvage” version 2016 c’est ici même.

She runs the river : la scène West Coast embrasse la scène Mersey de Liverpool. Un riff lancinant et dentelé s’égrène au fil du temps. Les voix, les chœurs sont servis sur un plateau d’argent. On est autant subjugué par la magnificence des arrangements que par cette guitare slide qui lustre chaque facette stellaire de ce diamant.

Fear Machine : Miles Kane servi façon The Coral. Rythmique implacable. Un premier solo armé d’une baïonnette fuzz s’avance dans les méandres du Bayou. Le doigt sur la détente, un second solo cosmique envoie une salve. Un sort est jeté. On se prend les pieds pris dans un tapis de bandes inversées et d’effets tournoyants. Karma tourmenté mais jamais vaincu. End crédits apporte une dernière touche de désolation au son d’un orchestre de chambre diffusé par un gramophone rouillé.

Avec ce 8ème disque, The Coral prouve définitivement qu’il est le meilleur groupe d’Angleterre (voire du monde). Une créativité qui n’a pas baissé d’un iota en 8 disques, c’est une prouesse remarquable. Cette fois, le groupe de Liverpool, qui ne connaîtra jamais le succès de masse (et tant mieux dans un sens), est allé chercher son inspiration du côté d’un rock plus viril tout en préservant la touche mélancolique et raffinée de son terroir Mersey.

Encore un (!) chef d’œuvre du groupe.