The Kinks – Village green preservation society

Perles à contempler : "Village green", "Village green preservation society", "Picture book" et "Johnny thunder"

 

Parmi les chefs d’oeuvre de la pop anglaise on trouvera « Village green preservation society », 6ème et dernière livraison des Kinks dans leur formation originale (le bassiste Pete Quaife quitte le groupe en 1969) qui paraît en 1968. A cette époque, les groupes se surpassent tous dans une course à l’innovation, en repoussant les limites, en expérimentant au maximum. La technologie permet cela : nouvelles pédales d’effet, introduction de nouvelles sonorités au clavier, découverte des bandes inversées. Les genres fusionnent avec l’importation d’instruments issus d’un autre monde à l’image du sitar ou des tablas. Les musiciens s’ouvrent de nouveaux horizons en s’initiant aux nouvelles drogues hallucinogènes,…

Les années 1966/1968 sont d’une créativité remarquable, l’âge d’or du rock sans contestation possible. Beatles, Beach Boys, Stones, Small Faces, Love, Doors, Pink Floyd, Bob Dylan, Pretty Things, Byrds, Simon & Garfunkel, Tim Buckley, The Who,… Tous sans exception sont touchés par la grâce. Dans la perfide Albion, le leader des Kinks Ray Davies se désintéresse rapidement de la mode qui est au psychédélisme, il a déjà donné en la matière (l’orientalisant « See my friends » par exemple) … Lui et son frère Dave (guitariste soliste) entreprennent un virage artistique à sec à contre-courant total de ce qui se produit et s’écoute à cette époque.

Ray Davies veut chanter, narrer, conter une Angleterre tiraillée entre ses traditions Victoriennes, son “swinging London” et sa jeunesse en quête de libertés et de jouissances. Ray Davies se veut le chroniqueur de son temps tel un Emile Zola ou Balzac du rock britannique. Chose qu’il fera admirablement bien dans ce concept album. Les chansons de « Village green » sont telles des aquarelles qui croquent des individus de tous les jours. Les portraits dévoilent des textes à l’humour noir, mordant, cyniques à l’image des chansons Do you remember Walter et Animal farm. Le timbre de Ray Davis se veut sarcastique, ironique, moqueur. Avec une pop rock élégante mais au son désuet, les Kinks se retranchent dans leur autarcie. Le disque condamne une société qui se lisse, perd ses repères identitaires, ses traditions (cf. les textes du nerveux Last of the steam powered trains) .

Un chef d’œuvre très réac’ en somme. Ce qui expliquera notamment l’échec commercial du disque à sa sortie (100 000 copies vendues à sa sortie) car à côté de la plaque de ce rock qui avance et ne recule pas (encore). Réhabilité sur le tard, on découvre un album magnifique. Les chansons se suivent et s’assemblent pour former un tout très cohérent. Ray Davies se distingue par la fabuleuse qualité des arrangements du disque : cuivres, cordes, melodica, accordéon, clavecin, flûtes,…

Pas question d’ériger des structures alambiquées. Ici on ouvre la porte d’un cabinet de curiosités, on s’émerveille à l’écoute de The Village green preservation society, le titre éponyme qui ouvre l’album. Tasse de thé à la main, on avance avec une sempiternelle mélancolie à l’écoute de l’extraordinaire Village green, neuvième chanson du disque. Entre temps, on se laissera happer par l’enjoué boogie pop Picture book. Alors que Johnny Thunder suinte merveilleusement le crachin et la défaite héroïque sous un ciel bas et lourd. La ritournelle piano entêtante et étrange de Sitting by the riverside rappelle à quel point Ray Davies est un compositeur exceptionnel n’ayant rien à envie à ses pairs de l’époque pour ce qui est de composer des miniatures pop prodigieuses à l’image du « Penny lane » de Paul McCartney.

Dans cet ensemble rétro on trouvera quand même quelques clins d’œil un peu barrés et psychédéliques à l’image de Phenomenal cat et du tortueux et funèbre riff qui ensorcelle Wicked Annabella que l’on croirait chanté par un croisement Small Faces/Syd Barret. On ne se privera pas non plus d’ une petite sucrerie folk pop hawaïenne avec Monica (on pense immédiatement à Donovan) avant de refermer le coffre avec le punchy boogie People take pictures of each other.

Pas une chanson à jeter sur un total de quinze titres. « Village green » est un grand disque. Un vieil armagnac qui se consomme à la lueur de la bougie, au coin du feu, confortablement affalé dans un fauteuil club. Une œuvre que l’on se refile sous le manteau pour en préserver l’intimité. Ray Davies est l’un des plus grands auteurs compositeurs rock britanniques qui influencera quantité d’artistes dans son sillage : Blur, Paul Weller, Oasis, The Coral, Jim Noir, Ocean Colour Scene, I am Kloot, Villagers, Miles Kane,…

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