The National – High Violet

Les titres à écouter forcément : "Vanderlyle Crybaby Geeks", "Anyone's Ghost", "Runaway", "Sorrow".

The National est sorti de l’ombre – pour le grand public – avec Boxer. Riche et caractéristique, il proposait déjà ce son si particulier et nouveau. Il ne fallait pas décevoir avec l’album suivant, attendu par la critique et les fans nouveaux. Chose est faite et même dépassée. Nos attentes ne sont plus, tant High Violet est beau, sobrement sombre, inspiré, subtil, douceureux et acidulé. Ecoute attentive, titre par titre, d’un album marquant qu’il sera compliqué de dépasser. Mais le cherchent-ils vraiment ?

“Terrible Love” est une ouverture crescendo, un son qui vibre, onde de choc qui se propage, adoucie par un arpège de guitare folk. L’intensité est bien dosée, chaque mesure apportant son lot supplémentaire que les ponts précisent. Un brouillon très précis.

Qui nous permet d’enchaîner sur “Sorrow”, où la batterie ponctue merveilleusement chaque phrase. Une constante dans le jeu de Bryan Devendorf qui excelle. La petite guitare mute-delay tapisse la sphère haute du son, tandis que la basse coule en douceur. Les couches s’ajoutent et nous font décoller en toute fin. Un exercice de style.

“Anyone’s Ghost” est une merveille de roulements de toms, d’accords subtils et rares, de basse qui groove. A écouter dans un train avec le paysage qui défile. Le chant dicte sa loi. Pour finir dans un bouillon obscur de reverb-delay. Rideau.

La transition avec “Little Faith” est parfaite, puisque nous émergeons du bouillon. Là encore, une belle inspiration de basse qui devient une mélodie secondaire. Seule la voix est monocorde sur ce titre, ne se laissant jamais emportée par les arrangements qui en deviennent baroques. Violons, bois… L’orchestre est bien là, une symphonie moderne qui revisite ses classiques de conte.

Accordéon ? “Afraid of Everyone” n’a peur de rien. Les choeurs ouvrent vite jusqu’à l’entêtement, la basse entre en résonance, le beat dancefloor maussade accompagne. Un air de marin qui rentre au port dans le tumulte des éléments.

“Bloodbuzz Ohio” vaut le coup pour son pont des 2’35 qui ouvre la voie puis se conclut sur un martèlement de forgeron. Vers une fin qui en devient noisy/psyché. Le mal du pays.

“Lemonworld” appelle la distance, un détachement cynique de l’auteur face à son titre. Même les paroles perdent du sens au passage, d’un exercice d’introspection où l’univers compte plus que le sens.

Une ballade arpégée, “Runaway”. Les cuivres apportent une note de tendresse veloutée. La voix de Matt Berninger dans le bas, mi-parlée. De subtiles harmonies de guitares qui se répondent, l’arpège parfait qui s’intensifie. Les nappes étendent le son.

“Conversation 16” résume assez bien l’album. Le batterie hypnotique, assourdie-électro, métronomique mais qui sait surprendre par de légers breaks comme autant de variations. Chorus sur la guitare, reverb immense, choeurs qui se déployent. Ça vibre, ça flotte.

Et nous arrivons en Angleterre, patrie des campagnes qui ne verdoient pas. Violons, terrain forestier, soleil levant, bruissement de feuilles. Ah, l’Angleterre ! Un sonneur de cornemuse aurait très bien pu s’inviter. Mais ce seront des cuivres. Une ouverture de chasse à courre. Pour finir dans un combat de clans.

“Vanderlyle Crybaby Geeks” débute, construit sur les vestiges d’un Pink Floyd époque The Division Bell. La voix se détache dans l’immensité sonore. Geeks. Le titre démarre dans une valse emportée. Le décor tournicote, le chanteur s’entête.

Et nous aimons. Un album sublime et subtil. Dans un voile, un mouchoir de poche en soie. The National suspend le temps et nous propose un voyage. Soyez à l’heure, ils ne vous attendront pas. Quoique prenant leur temps, même en live. Ne le répétez pas, les bonnes choses sont à garder pour soi.