Theo Lawrence & The Hearts – EP “Sticky Icky” + EP “Heaven To Me”

Le groupe originaire de Gentilly (France) a fait paraître deux EP en avril 2016 (“Heaven to Me”) et novembre 2016 (“Sticky Icky”) que nous avons ici choisi de chroniquer d’un seul tenant.

Theo Lawrence, 22 ans, franco-canadien, compositeur des 7 chansons ici passées en revue, est accompagné par un excellentissime groupe de scène : The Hearts. Fermez les yeux, oubliez leur jeune âge. On se croirait en plein Mississippi, entourés d’une bande de vieux mercenaires ferraillant leur blues sans sourciller. Impressionnant. La grande classe ! Surtout quand ils se mettent à lorgner du côté de la soul music. Le calice.

EP – Heaven To Me – Avril 2016

Theo Lawrence & The Hearts maîtrisent parfaitement bien leurs rudiments blues & soul. La chanson Heaven To Me est un chef d’œuvre articulé en deux temps. Un démarrage langoureux qui évoque une soul s’étalant de Al Green, Lee Moses aux Alabama Shakes, Paolo Nuttini (un magnifique grain de voix similaire) et Ray LaMontagne. Puis une envolée énervée. Pleins poumons. Une soul gutturale qui enlace et infiltre son venin addictif. La basse tabasse. L’orgue feule. Les cuivres lient. La guitare tricote ses ornements nacrés. 3 minutes 25 de bonheur.

La production est racée, soignée, élégante. Ce qu’il faut de réverbération pour donner ce grain vintage et chaleureux à la musique du groupe. Sur All Along, on reste stupéfait devant l’impressionnante maîtrise des nuances du groupe. Un ensemble dense mais dénué de toutes boursouflures. On pense aux Black Keys. Theo Lawrence chiale son blues mâtiné de soul. Un timbre lacéré qui plaira aux fans de Paolo Nuttini. Une ballade incantatoire où l’orgue est supplicié. L’esprit pionnier du blues irrigue cet EP. L’énergie primale d’un Howlin’ Wolf ou d’un Captain Beefheart lorsque ces derniers pratiquaient le blues rugueux de “Safe as Milk”.

Double coup de maître.

EP – Sticky Icky – novembre 2016

La chanson éponyme, Sticky Icky, montre déjà en moins d’un an une légère évolution. Leur blues/soul prend une tournure plus policée à la Black Keys. Riffs et gimmicks sucrés. Un deuxième EP qui s’ouvre donc sur un terrain plus édulcoré et radiophonique. La patte Black Keys post période “Brothers” devient particulièrement flagrante sur Ali. La chanson est bonne mais le groupe enfonce des portes. Joue sur la facilité. La voix est sur-traitée d’effets inutiles… Dommage. Car le formidable vivier d’influences blues & soul qui caractérisait le premier EP est ici ratiboisé à une quintessence blues garage au son bien trop propret.

Good for Nothing progresse sur un riff ou plutôt une chinoiserie ! Effet de pédale octaver qui confère une teinte Mékong à ce roadtrip garage blues. Original. Mais il manque le mordant propre au premier EP. Moins d’urgence. Moins de tripes.

Fort heureusement la suite est d’excellente facture.

Ce Made To Last semble sorti tout droit des studios des Arctic Monkeys. Couplets démoniaques. Roulements de toms. La cavalerie luciférienne emprunte des chemins noirs. Rangez-vous ! Ô miracle, le groupe opère un splendide virage soul à l’ancienne sur les refrains. Sam Cooke & Al Green sont de retour. L’orgue lumineux dégoulinant son gospel est à bord. Superbe. La magie opère à nouveau. Heavenly Dog clôt cet EP avec la manière. Une épure acoustique country/blues striée de slide guitare ici et là. Un clavier “leslie” bourdonne dans la cave où Theo Lawrence s’apitoie sur le sort d’un chien qui a rendu l’âme. Zéro fioritures. Juste la très grande voix d’un jeune clampin de Gentilly. Lorsque nous l’avions vu en première partie de Max Jury au Flow fin 2016, il était là, seul sur scène, dans le dépouillement le plus total, guitare folk à la main. Et nous avions été fascinés par sa voix. Le genre de gars qui ne triche pas. Et qui en a sous la pédale.

Une des révélations de 2016, dont on va certainement entendre parler de plus en plus. Et ne boudons pas notre plaisir, ils sont Français.

Les perles : “Heaven To Me”, “All Along” et “Made To Last”.