Daft Punk – Homework

Un album culte qui n'a pas pris une ride excepté quelques détails ici et là. 20 ans plus tard, on érigera le top 5 suivant : Da Funk - Rollin' & Scratchin' - Alive - Burnin' - Daftendirekt.

Diable… Que vient faire une chronique de Daft Punk sur un site dédié au Rock ? Mais Daft “Punk” n’est-il pas rock ? Les deux sorciers du plus célèbre duo musical contemporain citent “Screamadelica” des anglais de Primal Scream comme une influence clé dans leur musique. Et cela sonne comme une évidence quand on se penche sur ce disque culte de 1991 (chroniqué sur le site) qui célèbre la fusion des genres rock, pop, funk, electro, house music et gospel. Daft Punk réalise exactement la même chose sur chacun de ses disques.

“Homework” est un ovni. Un classique. Un disque culte aussi pionnier que ceux de leurs ancêtres électro : Neu ! Kraftwerk voire même Can. Un esprit “punk” et “garage” dans l’intention. Do It Yourself ! D’où le titre “Homework”. Un esprit “punk” et “garage” dans son univers sonique aussi minimaliste qu’une composition des Ramones ou des Buzzcocks. Un disque qui sait ce que le terme “groove” signifie. Des résonances funk émaillent l’album. Résultat d’un travail impeccable des basses dans le mix.

On se replonge donc avec bonheur dans ce monument “frenchtouch”. C’était il y a déjà 20 ans. Que faisiez-vous en 1997 ? Quelle belle année. Sans doute la dernière grande année musicale. Nous avions la vie devant nous. Et l’apanage des choix. Daft Punk pour danser, Oasis pour frimer, IAM pour scander, The Verve pour rêvasser, Radiohead pour chialer, Prodigy pour péter un plomb, Chemical Brothers pour se défouler, Metallica pour hurler…

Daft Punk donc. La plus belle réussite française du moment avec Air et Noir Désir. “Homework” est une immense baffe en pleine présidence Chiraquienne. Un raz de marée venu d’une jeunesse bourgeoise. Typiquement français. La bourgeoisie a impulsé 1789. Thomas Bangalter et Guy de Homem-Christo, nés à Paris et Neuilly, étudiants au Lycée Carnot, vont porter la révolution “frenchtouch” au firmament.

“Homework” est d’abord flanqué de classiques.

Da Funk. Toujours aussi imparable. Pas pris une seule ride. Rock. Rock comme ce riff élastique trituré de façon punk & garage. Un son lascif et vicieux qui pénètre les hémisphères cérébraux. Un poison qui s’immisce au rythme d’un beat qui cogne comme un plomb. A la manière d’un batteur sourd qui cogne sa grosse caisse. Heavy Metal spirit ! Le riff élastique disjoncte à 02’25. Virage psychédélique troussé de folie. Du genre Prog rock à la Yes. Le tout sur un groove addictif. Acid Funk Rock. Voilà l’étendard planté par les Daft.

Rollin’ & scratchin’ est complètement barrée. Quand on parlait de batteur de heavy metal boxant sa batterie comme un névrosé… Nous y voilà. L’intro est digne d’une ambiance de fête de teutons noyés dans la bière et hochant de la tête comme des bovins. Mais l’ambiance “rave” prend le dessus. Un son nucléaire et apocalyptique jaillit des entrailles de la terre. Un Moloch. A faire péter les vaisseaux sanguins. Sous pilule ou non, l’effet est sans appel : neurones grillés. Cette giclée d’asphalte punk laisse K.O debout. La décélération en fin de chanson est un leurre. Pour mieux redécoller et tuer le peu de lucidité qui reste en nous. Aussi violent et éliminatoire qu’un crochet du gauche décoché par un “Kill’em all” de Metallica ou “Paranoid” de Black Sabbath.

L’électro ésotérique de Burnin’ est un caviar pour les tympans. Sons plastiques bidouillés comme un rouleau de scotch que l’on roule et déroule. Et puis… Et puis il y a ce riff de basse feutré et chewing-gum qui dépote. Disco funk à souhait. Irrésistible. Nile Rodgers et Curtis Mayfield infusent chaque bpm. Titre ovni où l’on navigue entre spasmes industriels et ondulations sexuelles. La ville tentaculaire se consumerait-elle dans un dernier orgasme apocalyptique ?

Et puis il y a évidemment la néo-disco Around The World au succès planétaire. La ligne géométrique dessinée par la basse reste un modèle du genre. Un modèle emprunté au funk de Nile Rodgers (Chic) (le titre “Good Times”). Dommage que le refrain filtré au vocoder ne passe pas l’épreuve du temps. Péché mignon du duo qui en use et en abuse à travers tous ces disques. Une obsession dont ils pourraient se passer. Around The World est une boursouflure qui sonne assez ringarde aujourd’hui.

Enfin Revolution 909, le cousin apaisé de Burnin’, hypnotise toujours autant. Un titre fiévreux. Chaleur moite d’un été orageux à New-York. Élucubrations d’Ibiza encalminées dans les briques pourpres des “blocks” quadrillant Manhattan.

Et puis il y a les pépites que l’on redécouvre avec délectation. Celles qui se révèlent avec le temps. Comme cette magistrale ouverture opérée par Daftendirekt. Du hip hop minimaliste progressivement enveloppé par un beat électrocuté qui évoque le genre krautrock embrassé par Kraftwerk. De hip hop synthétique il en est aussi question sur Oh Yeah. Un beat déconstruit. Des sons industriels et robotiques qui claquent comme une pluie de punch lines.

Phoenix ? Une invitation onirique à danser. Beat syncopé. Une ligne de basse légèrement orientalisée. Polaroid d’une teuf qui vit ses dernières vibrations au gré d’un soleil levant. Fresh est du même acabit. Une sorte de guitare futuriste esquisse une intro mélancolique dont le larsen disparaît dans un halo de sons à la lumière irisée. Fin de full moon party sur un sable ocre qui invite à la méditation.

Et puis il a ces deux tueries. Un Alive absolument fou. Démarrage tribal résonnant dans toute la galaxie. Le pied sur l’accélérateur, Bangalter et Homem-Christo, décochent une fulgurance qui lorgne aussi bien du krautrock à la Kraftwerk (période “Autobahn”) que du côté de la scène house de Detroit. Et un Indo Silver Club reptilien. Un son pour réveiller les morts et les enjoindre à se ruer sur le dancefloor.

Les sept minute trente de Rock’n Roll revisitent le rock and roll à la sauce Daft Punk. Claps claps. Un son qui dévisse et dévie comme une toupie en roue libre. La tension monte. Les percussions cognent militairement. Le mercure va exploser. Jumeau de Rollin’& Scratchin’, on retrouve cette même sensation de claustrophobie et de roulette russe mentale. A 04’30, le cœur est à deux doigts de lâcher. Un coup de défibrillateur et c’est reparti pour un tour. Avec un final schizophrénique. Aussi flingué du bulbe que Franck Zappa ou le “Tago Mago” de Can.

Enfin les deux titres les plus “vintage” du disque,Teachers et High Fidelity, rendent un hommage appuyé à la scène originelle de la house music (Detroit & Chicago) ainsi qu’à divers DJ et musiciens comme Brian Wilson et Dr. Dre. La boucle est bouclée. Daft Punk, jeunes “padawans” devenus “jedis”, s’apprêtent à prendre le monde d’assaut. Et cela fait 20 ans que ça dure. Tout en entretenant savamment le mystère autour de leur personne. S’inspirant des précurseurs en la matière, à savoir le groupe rock expérimental The Residents, formé en 1972 à San Francisco et dont absolument personne ne connaît le nom ni le visage des membres…

On vous l’avait dit. Daft Punk & Rock and Roll ne font qu’un. Et en bleu blanc rouge.

En prime un petit cadeau avec ce live monstrueux de “Rollin & Scratchin'” à Los Angeles en 1997 :