Monsieur Alain Johannes. S’il-vous-plaît. Auteur-compositeur-interprète-producteur-ingé son-multi-instrumentiste. Compère de Chris Cornell, Eagles of Death Metal, Josh Homme sur de nombreux projets (QOTSA, Them Crooked Vultures) et par extension Broody Dalle et Arctic Monkeys… ce Monsieur a du métier.
2008 fut l’année du décès de sa compagne de scène et de vie, Natasha Shneider, point de départ de cet album solo (sorti en 2010) et premier acte qui va le projeter sur le devant de la scène des non-initiés. Après une propension à envoyer du lourd, sa musique devient folk venu d’ailleurs, vibrante comme chaque corde de sa cigar-box guitare (la caisse de résonance est une boîte à cigares), avec fragilité et sens inné de l’harmonie.
Dès l’ouverture, les grands espaces, les cîmes du Tibet semblent résonner dans une timbale. Le temps devient inexorable, le voyage comme une quête initiatique. Speechless marque le début de la descente comme un deuil introspectif lancé sur papier musique. The Bleeding Whole est un chef-d’oeuvre attendrissant en clair-obscur. Les racines chiliennes de l’artiste s’éclaircissent sur Gentle Ghosts, et ses gammes hispanisantes.
Et pourtant les influences de Chris Cornell (une voix puissante et tenue) et de QOTSA (quelques intonations de Josh Homme et notamment le jeu en slide déjanté de Troy Van Leeuwen) sont notables. Mais elles sont amenées plus loin, de manière personnelle et contextuelle. Un voyage à demi-mots où la voix se fait vibrante d’émotion, où les cordes accrochent ça et là quelques frettes, comme un bourdonnement entêtant mais appliqué. Quelques notes fantomatiques pour un repos inquiétant.
Cet album lui permet-il d’avancer, en s’arrêtant un instant (et peut-être pour la dernière fois) sur la mélancolie qui l’étreint?
Intime, et subtilement agrémentée d’harmonies spirituelles, Spark est une oeuvre lumineuse qui consacre un des artistes les plus complets de sa génération. En toute simplicité.