Chelsea Light Moving – Chelsea Light Moving

Les trois titres à écouter d'urgence: "Empires of Time", "Sleeping where I fall" et "Alighted"

Quand Thurston Moore (Sonic Youth), s’associe avec Keith Wood (Hush Arbors), Samara Lubelski, John Moloney (batteur de Hush Arbors entre autres) et Justin Pizzoferrato (producteur déjà crédité sur The Eternal de Sonic Youth et Aureola de Hush Arbors / Arbouretum), le tout donne un ensemble sombre aux influences multiples. Entre grunge, noise, psyché, métal et punk. Quelque part au milieu de tout cela.

Et, étrangement, ça commence comme du Thurston Moore, période the Best Day. Celui assagi sur la forme, plus doucereux et moins noisy. La basse roucoule tout là-haut, tandis que la guitare nous gargarise d’un loop légèrement bendé par-ci par-là. Une ouverture chaleureuse, donc.

“Sleeping where I fall” nous évoque une mélodie en demi-teinte typiquement grunge, faussement joyeuse, joueuse. Durcissez les arrangements, ajoutez du drive et nous y sommes. D’ailleurs le titre progresse vers cette lourdeur dans le bas. Ça brouille, ça frise, ça crie. Bienvenue Monsieur le bruit que nous attendions tant. Le bruit maîtrisé, celui qui semble immédiat et qui ne l’est vraiment pas. Un naturel travaillé, chaque mesure apportant sa pierre pour remplir plus l’espace sonore. Les oreilles se réjouissent. Revient ce riff gentil qui nous rappelle où on est. Pour ne pas tomber.

“Alighted” tombe plus bas, le vrai bas qui ronronne. Un riff qui pourrait être du Metallica, époque Black Album. Tournerie carrée qui joue avec les toms en descente. La 2ème minute devient très lancinante, presque langoureuse. Un air de Band of Skulls sous ses meilleurs jours. Le genre de pont où tu restes bouche ouverte dans une fosse partagée. Les morveux pogotent, les vieux profitent. 5’24 doit être ce qu’on appelle la fin du monde. Un brouillard de caillasses qui vous arrivent en pleine poire, frénétiquement. Un appel à l’aide d’une guitare à l’aigu, comme un ultime essai désespéré. Rideau.

Jazzy. Haché. Une parenthèse enchantée (“Empires of Time”) d’un réveil douloureux. Est-ce un monde nouveau ou la continuité ? Riff fuzz très Rage, rythmique et chant évoquant un bon BRMC. Le grain du gain est progressif, toujours subtilement amené chez Thurston Moore. L’art de la nuance tout de même. Le pont des 3’40 vous prend aux trippes et ne vous lâchera plus. Batterie free jazz qui se finit en basse perchée. Allo la Terre, nous dérivons.

Grungy & Linda. Pourquoi Groovy? Nirvana époque Bleach nous voilà. En mieux produit et nuancé, certes. Une force de la nature qui envoie tout valser. “Lip” est barrée, mi-parlée, mi-je-m’en-tape. Un son à la Blew mixé avec la fougue de Turnaround (époque Incesticide). Quelque chose de punk. Cash.

“Burroughs” aurait pu s’appeler “la guitare qui rend fou”. 1’45 et nous imaginons un groupe poseur qui égraine ses accords le pied sur le retour. Rock-spectacle. Ce riff cocotte à l’aigu ne nous lâchera pas de la journée. Ponctuation sordide puis montée acide qui s’emballe.

“Mohawk” ouvre sur une étendue sablonneuse. Une voix débite. Flow lent mais placé. Un exercice Velvetien où tout devient possible.

Voix suave qui avance à pas de velours. Gentiment ponctuée de cymbales pour nous rappeler que le titre est construit. Structuré, par ce rythme invariant. Le reste n’est que broderie, ajout de couches successives au bon moment. “Frank o’Hara Hit” ne s’arrête pas. 33 secondes de blanc gratuitement. Merci.

Calme avant la tempête… punk à la voix de James Hetfield qui élucubre sur les couplets de “Communist Eyes”. Un Ramones à la sauce noise du meilleur effet. Mais c’est en réalité une reprise du groupe punk californien The Germs, pour clore en beauté cet album inspiré. On pourrait se poser la question du bien-fondé d’une reprise sur un tel album. Surtout en clôture. Mais c’est déjà oublié.

Plus sale, plus dur, des références métal, grunge et punk. Moins de chant, plus de son. Plus de plaisir. Plus de variété au sens diversité. De la surprise. C’est peut-être cela la pépite de 2013.