Fat White Family – Songs for our Mothers

Les titres à écouter : Whitest Boy on the Beach, Love is the Crack, Duce.

Je découvre ce groupe par hasard. Une cover rappelant celle des Black Keys. Et puis, sans me documenter plus, j’explore.

Ca commence comme du Pulp. Un électro-rock aux voix lointaines méchamment réverbées. Incantations, déchirements de voix intestines. Chuchotements. Groove toujours présent, pourtant. Rien ne pourra arrêter la tournerie instrumentale finement rôdée. Les voix apaisent, excitent, entêtent. Pour finalement s’éteindre en grand fracas de delay. C’était “Whitest Boy on the Beach”. Point.

“Satisfied” s’ouvre sur des relents poussifs. Le mal est fait, l’inquiétude est à son paroxysme. La petite guitare s’essaie alors à lancer une ritournelle descendante. Mais tout cela reste noyé dans une reverb qui couvre le tout. Cocotte minute bruitiste qui menace d’exploser. Mais qui progresse, pourtant. Les cordes rêches frisent et agressent d’aigus râpeux.

Etrangeté de quelque chose d’indéfini. De non-terminé aussi. “Love is the Crack” se balance dans nos tympans alors abîmés, comme pour y passer le baume apaisant. La voix s’élève en tremblotant. C’est beau, ça vibre. Lumière divine. Le solo est blafard et hésitant. Chaque note est égrainée avec attention. Il ne faudrait pas rompre la poésie qui s’installe dans notre fauteuil. Et c’est encore meilleur en altitude. Ce qui est mon cas.

“Duce”. Le vaisseau craque avant de chavirer. L’eau ruisselle, la basse pose les bases, tandis que les choeurs nous emportent au passage. Fureur d’un rythme à contretemps percutant d’intention. Et si cela semble être un joyeux bordel, c’est encore meilleur. Nous errons entre structure et improvisation de l’instant. Un bon moment de sons qui partent en vrille.

“Lebensraum” semble bien réconfortant. Une mélodie, une rythmique lisible, des breaks de batterie très classiques. Du slide bleusy-hawaïen. Mais pourquoi? Est-ce un interlude? Le calme après la tempête des sens. Il n’en demeure pas moins que cette jolie reverb nostalgique nous transporte encore. Au pays des fêtes foraines, de Noël, des automates et des cloches qui tintent. Joie temporaire d’une enfance qui revient.

Revenons à nos moutons et leurs expérimentations éclectiques. “Hits hits hits” est résolument électronique. Feutré et à contre courant, le titre nous enferme dans une machine pas très commerciale, de laquelle nous ressortirons peut-être.

Le groove de basse se fait soudainement plus lisible. Un lointain cousin de Michael Jackson et des Blues Brothers. “Tinfoil Deathstar” plante un décor hanté. Le son grésille, l’alchimie se fait avec les voix traînantes. Nonchalamment, le titre progresse vers un refrain alambiqué qui n’a pas grand chose de mélodique. Pas un hymne de dancefloor, donc. Ambiance fin de soirée, avant la tombée du rideau.

Le clapotis de l’eau frappe les carreaux. Un petit train mal huilé tourne en rond, la fête foraine remballe. Les voix trafiquées glissent. “When Shipman Decides” campe une mélancolie qui suit un bonheur. Que reste-t-il ?

“We Must Learn to Rise” est bruitiste. La batterie s’écrase ponctuée d’une cymbale baveuse. Ambiance Black Angels, la rencontre du psyché avec un saxophone. Une ambiance post apocalypse dans un ascenseur.

“Goodbye Goebbels” marque une fin. Sur une trame acoustique déglinguée, les accords sont composés sans beaucoup de conviction. Ambiance Lonesome Cowboy fin de soirée. Il est temps de rentrer.

Je passe sur la décadence d’un groupe et ses live déroutants. Une simple documentation sur le groupe fera resurgir ces excès. L’idée même du Rock est parfois déconcertante. Groupe jugé nauséabond pour ses postures et ses provocations, il livre ici – au néophyte que je suis – un bon album. Bien huilé et sombrement effrayant. Post apocalypse.