Jeune artiste française de 35 ans, Jeanne Added en a sous le coude. Après l’apprentissage du violon et du chant Lyrique, elle s’immisce dans le monde de la musique par le jazz. Nous la retrouvons en 2015 pour son premier album, paru en septembre. Electro, tribal, atmosphérique sont les mots qui pour moi conviennent. Sans vouloir l’enfermer dans une case, car je pense que cela segmente forcément. Nommée aux Victoires de la musique 2016 pour l’album révélation de l’année, Jeanne a échoué aux pieds du succès commercial. Le commercial est-il forcément gage de succès ? Quand on voit que Louane a récolté la mise, le débat mérite d’être ouvert. Une chose est incontestable, avec Jeanne Added la créativité hypnotique est de mise.
“A War is Coming”. Rap sportif millimétré. Sérénité et force. Jeanne Added joue des nuances autour d’un groove qui bastonne le fond des fréquences. Quand le chanteur est un musicien à part entière. Les doses électro dosées savamment transporte l’auditeur encore ailleurs. Jusqu’à la fin.
“It” est un titre de fille. Celui qui fait danser sur un dancefloor. Et pourtant pas seulement. Une écoute attentive au casque sans bouger le petit doigt permet d’apprécier encore le gros travail de composition, de nuance, de mix. Chaque élément est parfaitement à sa place et répond à l’autre nonchalamment. Les nappes de synthé tournoient comme des vautours autour d’une proie. Trop tard. Vous l’avez aussi dans la tête.
“Look at Them” ressemble à une répétition de chorale. L’accompagnement se veut sobre et minimal avant la première envolée. Là encore, Jeanne Added s’évade des lignes toutes tracées pour y apporter sa sensibilité et son dosage. Les mots résonnent et se placent sur un fil. L’instrumental s’envole. Le voile de douceur est installé. Cocon protecteur d’un monde sombre.
“Miss it All” semble commencer sur un phrasé polyphonique très Fugees pour ceux qui s’en souviennent. Mais c’est un leurre. La puissance dans les graves d’une basse ronde et inaltérable, une batterie-clapotis et un synthé qui tournicote, des effets de bandes qui s’accélèrent. La recette d’un son nouveau qui invite au voyage. Fermez les yeux. La dernière claque de la sorte fut Bosnian Rainbows, après Bjork il y a quelques années.
Le ton se fait sombre. Tous graves dehors, l’instant en impose. La voix gentiment articulée est clamée avec force et conviction. Elle nous appelle. “Be sensational” devient alors élégamment tribale (2’40). Férocement entêtante même. Pour finir en apothéose de sons qui remplissent l’espace. Puis cette douceur…
Poum, clash. La machine égraine sa partition hachée menue en syllabes parlées. “Lydia” ne prend pas le dessus sur cet album mais nous sommes fiers d’avoir une artiste qui ose encore expérimenter.
“Back to Summer” résonne un peu 80s/90s. L’époque de Madonna gentiment girly. Epoque fraîche où la dance music faisait danser uniquement grâce à un beat martelé. C’est plus nuancé ici, beaucoup mieux fait, mais c’est surtout très rafraîchissant.
“Night Shame Pride”. Une voix se détache devant un clavier ecclésiaste. Puis le son se fait tribal, au ralenti d’un Vampire Weekend qui aurait été plus enjoué. La polyphonie ajoute de la grandeur et de la portée au discours. A écouter posé, en avion, les yeux fermés.
“Ready” manque de pêche. On aurait aimé une relance après la parenthèse enchantée. A défaut, nous restons sur un minimalisme froid.. qui se réchauffe pourtant autour de 2’20. Pour finir dans les tours atmosphériques. Il nous manque un beat, un contretemps, une surprise, un brin moins mélancolique.
Le rideau se referme sur “Suddenly”. Sonorités froides qui gagnent en rondeur, esprit enfantin à 3′. Comme un ultime appel enchanté avant la fermeture de ce bel album hypnotique. Qui plus est français.
La conclusion est simple : achetez cet album très très chouette. Et surtout, écoutez le.