Après le sublime troisième volet de leur saga, “West Ryder Pauper Lunatic Asylum”, la route avait été plutôt déclinante depuis 2009 pour Kasabian. Les deux disques qui suivirent étaient assez grossiers, avec un rock gonflé aux stéroïdes et indigeste exception faite de quelques missiles faisant mouche comme “Days Are Forgotten” ou “Eez-eh”.
Le groupe de Leicester emmené par le duo Sergio Pizzorno (composition, production, guitares et chant) et Tom Meighan (chant principal) a le melon aussi énorme que les frères Gallagher d’Oasis. Chaque nouvel album est annoncé comme un chef d’œuvre. On en est loin avec “For Crying Out Loud” mais le retour aux bonnes chansons est bel et bien là. Le précédent disque “48.13” (2014) faisait la part belle aux chansons rock surproduites pour dancefloors et plombées d’effets electro à ne plus savoir qu’en foutre… Il reste quelques séquelles de cette période sur cette nouvelle galette avec l’indigeste TwentyFourSeven et III (Ray) The King même si cette dernière, avouons-le, possède une certaine efficacité animale à marteler un beat et refrain entêtant. En mode napalm et marteau-piqueur… Donc pas du meilleur goût. Kasabian a toujours été un groupe d’entertainment, très fédérateur, envoyant des salves de chansons destinées à transformer un concert de rock en rave party géante et ce n’est pas le final de III (Ray) The King qui prétendra le contraire avec son envolée electro à la Fat Boy Slim et son refrain turbojet massif.
La sucrerie You’re in Love with a Psycho s’apprécie à sa valeur de tournerie pop disco rock efficace avec son boogie à la Status Quo. Un très bon titre pop chewing gum affublé d’un très bon clip inspiré de “Vol au dessus d’un nid de coucou” de Kubrick. C’est véritablement à partir de Good Fight que les choses deviennent intéressantes. Quand Kasabian met de côté son mur du son electro rock et laisse les chansons respirer. Serge Pizzorno, le grand manitou du groupe, rappelle qu’il sait y faire en matière de mélodies accrocheuses. Ce Good Fight, aux élucubrations néo-western, visse un sourire aux lèvres indéboulonnable en cette journée estivale.
Wasted frise le mauvais goût dance pop FM sur les refrains alors que les couplets présageaient du bon. A ce moment-là du disque on se dit que Kasabian vient de se renverser admirablement dans le fossé. Mais les trompettes de Comeback Kid claironnent un sursaut. Attaque mordante. Les instruments ferraillent dans les coursives. Le navire de Leicester surgit de l’abîme et lance un abordage rock tentaculaire où l’orgue vintage galope derrière une rythmique lancée à Mach II. L’art du refrain fédérateur taillé pour les stades est un exercice dans lequel le quatuor excelle.
The Party Never Ends est d’un intérêt quelconque. Tentative de serrer à la gorge qui ne prend pas pour une chanson qui n’est pas loin de franchir la ligne rouge en matière de bon goût malgré ses inspirations puisées du côté des Arctic Monkeys (période “AM). Passons. Are You Looking For Some Action est un excellent hommage revival à la période “Madchester” (fin 80’s-début 90’s). Kasabian exhume les vibrations de l’époque avec sa griffe et une production contemporaine. On pense forcément aux Happy Mondays et à Primal Scream (“Screamadelica”). Puis survient ce refrain explosif qui a le culot d’aller piocher la dance soul des années 90 (souvenez-vous : M People… avec M pour Manchester). Ambiance festive. 8 minutes 22 d’odyssée electro lounge rock où viennent se mêler des cocottes funky, du saxophone aérien, une basse au groove digne d’un Cerrone ou Georgio Moroder.
Après ce dédale sonique éparpillant les sens, descente de trip avec la très jolie ballade folk acoustique All Through The Night chantée par Sergio Pizzorno. Une chanson qui apporte répit et paix intérieure au gré d’arrangements oniriques guidés par une scie musicale imitant les sons d’un thérémine cosmique. Sixteen blocks lorgne vers le hip hop. Et Kasabian convainc en la matière alors que nombre de formations rock s’y sont cassé les dents.
Dernier double coup de fusil avec un Bless This Acid House guitares crunch en avant précédant un pré-refrain et refrain lancés comme des poids lourds sur cette autoroute à six voies. Too much mais il faut reconnaître que dans un stade chauffé à blanc, l’effet doit être follement orgasmique ! La deuxième gâchette est un petit bijou : Put Your Life On It. Une ballade folk rock au crescendo imparable. Un soupçon western rock, une mélancolie lancinante qui titille les tripes et une montée accompagnée de chœurs à faire soulever un stade. Une de leurs toutes meilleures chansons de leur carrière.
Un disque contrasté qui dévoile les écueils d’un groupe qui semble avoir des difficultés à se doser sur ses titres electro/disco rock chargés de protéines. Mais qui déroule à merveille sur des chansons plus subtiles. Après ce sixième disque, il sera intéressant de voir quel avenir musical compte s’inventer le groupe qui dispose désormais à son actif d’une bonne quinzaine de tubes pour faire disjoncter un concert. Car à ce jeu-là, Kasabian fait partie des tous meilleurs groupes rock en live.