Pond – Man it Feels Like Space Again

Les deux titres à écouter d'urgence : Sitting up on a Crane, Elvis' Flaming Star

Quand le chanteur/guitariste, batteur et ancien bassiste de Tame Impala, respectivement Kevin Parker, Jay Watson et Nick Allbrook, montent un side project, ils nous pondent (hum) 6 albums en 6 ans. Démoniaque. Plus incroyable encore, la pochette splendide en référence directe au chef d’oeuvre de Robert Crumb de 1968 qui narrait alors en comics le Cheap Thrills, de Big Brother & The Holding Company sous la houlette de Janis Joplin. Sans surprise, c’est d’abord cette pochette qui a attiré mon attention.

Décollage imminent. La fusée Pond nous propulse vers un son gentiment vintage, un grésillement analogique, la reverb cotonneuse, le phaser qui tourne, le flanger qui s’élance, l’électro aux contours sinueux qui nous évoquent tout de suite Bowie et MGMT. Les strates atmosphériques défilent, nous arrivons au plus haut pour contempler de loin cette planète Terre et ses ondes satellitaires. La vie humaine qui s’agite en bas.

La basse se fait alors menaçante, une conquête spatiale s’annonce. Lorsqu’une bulle d’oxygène résonne et nous interpelle d’une voix assourdie et dissonante. L’heure est déjà à “Elvis’ Flaming Star” et sa posture d’opéra rock du futur.

Souvenez-vous du sentiment premier à l’écoute attentive de Ziggy Stardust. Ce calme enveloppant de certaines ballades rythmiquement appuyées d’une acoustique désemparée et hésitante. “Holding out for you” est de cet acabit. Elle nous transporte plus loin encore, aux confins du réel. Le souvenir, tout ce qui soudain nous interpelle. Une petite guitare gentille mais fuzz bourdonne à notre oreille droite, comme une douce mélodie déclinante. Elle nous évoque des harmonies à la T-Rex.

Stop. Revenons à la robotique. L’implacable riff de Zond, métallique et dansant, nous surprend. Une teuf aux pays des machines s’improvise.

Mais c’était trop beau. Il fallait redescendre. Une sortie exploratoire est alors organisée avec “Heroic Shart” qui titille nos limites. Aucun instant d’inattention n’est permis, sans quoi nous perdrions le fil, qui devient méchamment tortueux approchant les 2’20. L’armée spatiale semble se mettre en ordre de marche derrière un leader charismatique, aux commandes des vaisseaux de notre cerveau.

Flashback. Trou noir. Rêve éveillé. “Sitting up on a Crane” nous évoque le travail atmosphérique de Broken Bells et Danger Mouse. Le son devient triphasé, épais, embrouillé. Nous apercevons par la lorgnette de notre lunette astronomique de nouvelles planètes où il fait bon vivre. L’inconnu devient fascinant. 6 minutes d’extase.

Un beat funky groovy baby et “Outside is the right side” impose sa basse détendue et ronflante. Au programme: glissade et exercice de style. Ne réglez pas votre ampli, jusqu’ici tout va bien. Mais faites l’effort de vous concentrer uniquement sur le travail de remplissage astucieux d’une wha-wha vengeuse et visiblement assez pipelette.

Un peu de “Medecine Hat”, titre plus depouillé, nous remettra d’aplomb. Le titre décolle sans que nous pouvions l’anticiper. Une basse marque le temps, le charley embraye et c’est une bonne vieille chanson de franche camaraderie comme on les aime. Accolade, certains s’essaient à la roue. Le bonheur flotte et nous réconcilie tous. Il fait décidément bon vivre sur cette planète.

8’21 pour le dernier titre. “Man it feels like space again” est une excellente chanson de fermeture. Les choeurs m’emportent au pays des Beatles, l’entêtement en plus. Les dissonances sont splendides et le psyché approche. Mais Pond efface tout, maniant cassures et digression, subtilement. Le titre prend une dimension mystique touffue. Ça et là oriental, glamrock, opéra rock. Les voix humaines nous ramènent sur Terre, l’oeuvre est achevée.
Le mur du son, sans barrière créative.