Rage Against The Machine – Rage Against The Machine

Cinq balles dans le chargeur : "Bombtrack", "Killing In The Name", "Know Your Enemy", "Take The Power Back" et "Wake Up".

Les Anglais ont eu leur album “Protest Rock” séminal avec le culte brulôt punk rock “Never Mind The Bollocks” en 1977. Les Américains ont leur alter ego avec l’incandescent “Rage Against The Machines”, premier album des Californiens paru en 1992. Un manifeste politique insurrectionnel total. Et magistral. Quand “head banging” et engagement politique ne font qu’un, cela donne “Rage Against The Machines”.

Histoire d’un album à la pochette devenue culte. Rendant hommage à Thích Quảng Đức, un moine bouddhiste vietnamien qui s’est immolé par le feu dans la ville de Hô-Chi-Minh-Ville (feu Saigon) en 1963 pour protester contre l’oppression des bouddhistes.

Histoire d’une croisade méchamment punk et rock’n’roll. Histoire d’un groupe en mode commando qui dès Bombtrack annonce la couleur et le mitraillage punk en règle : “Burn burn ! Yes you gonna burn !”.

Le funk rap d’Urban Dance Squad (écoutez leur titre “Demagogue” par exemple), le funk reptilien des Red Hot Chili Peppers et le flow rap rock des Beastie Boys sont les 3 influences clés du premier disque gravé par Tom Morello (guitare), Zack de la Rocha (chant), Brad Wilk (batterie) et Tim Commerford (basse). Le tout sous cellophane ADC/DC.

Ce premier disque est volcanique. Aux manettes côté production on retrouve Garth Richardson qui a officié par le passé auprès des Red Hots et de Mötley Crüe. On y découvre stupéfaits le timbre enragé de Zack de la Rocha. L’homme aux dreadlocks distille son venin à coup d’uppercuts scandés, rappés. Multipliant les ogives, les attaques contre l’Establishment, le système politique en place. Les USA sont dans la tourmente. Première guerre du Golfe, émeutes de Los Angeles… “A bullet in yer head” hurle le chanteur qui n’y va pas de main morte sur le très Beastie Boys Bullet in the Head dont chaque secousse de guitare résonne soit comme un éclat de shrapnell soit comme une coulée de napalm… Quand ce n’est pas un pilonnage en règle comme sur le final de Wake Up.

Cet album est en effet un putain de pamphlet. Un manifeste pour émeutiers. RATM vide son chargeur à coup de “protest songs” articulées sur un beat funky et groovy à souhait. Réussissant parfaitement le pont entre Funk rock, Metal et Rap. une Fusion parfaite. Une maîtrise de la tension (Settle For Nothing). Une signature inédite qui fera date dans l’histoire du Rock. Tel le chef d’œuvre Killing in the Name Of alternant heavy groove élastique, pré-refrain guérillero et refrain en forme de missiles. La chanson d’une adolescence rebelle. Une débauche d’énergie qui ne laisse jamais indemne après une ou mille écoutes.

Le quatuor est un bombardier quadrimoteur. Un chanteur Apache parti en guérilla contre l’injustice, la corruption et les inégalités. Déversant son fiel avec une énergie sincère et mémorable, avec un timbre inimitable, dans la pure lignée d’un Brian Johnson/Bon Scott (AC/DC). Son bras droit, Tom Morello, marque l’histoire de la guitare en innovant et imposant un son tout à fait novateur à l’époque. Décochant des riffs concoctés avec une recette secrète alliant effets “wah wah”, “harmonizer”, “flanger”, “phaser” mais surtout faisant usage d’une pédale “octaver” transformant complètement sa palette de sons venus d’une autre dimension. En témoignent les illustres cas d’école que constituent :

1/ L’incroyable solo de Killing in the Name of
2/ Le solo extraterrestre de Know Your Enemy (déjà exemplaire avec son intro hachée au couteau et désormais culte)
3/ Le final de Wake Up préalablement envoyé en orbite avec un riff intro/outro qui évoque le “Kashmir” de Led Zeppelin

Tom Morello rentre dans un club très fermé. Celui qui a révolutionné le jeu de guitare à l’image de Jimi Hendrix, Eric Clapton, Jimmy Page ou Johnny Greenwood. Les solos de Fistful of Steel et Township Rebellion en disent long sur l’inventivité du bonhomme. De véritables ovnis guitaristiques… Des sons bidouillés par un sorcier de la six-cordes et jusqu’ici jamais entendus.

Troisième et quatrième moteur sans lesquels le groupe n’aurait jamais pu asséner son groove abrasif : le combo basse/batterie. Le propulseur nucléaire d’un groupe nucléaire au son nucléaire. Take The Power Back est un putain de monument. Un groove limpide et magnifique. Une envie jouissive de tout envoyer valser ! FU(n)CK ! Un groupe au sommet de son art mariant intelligemment les genres. Brad Wilk et Tom Commerford sont des mammouths qui ne lâchent jamais leur proie pendant que Zack de la Rocha, en bon félin teigneux, gifle, griffe et écorche cette dernière. Cette proie protéiforme a pour nom la Maison Blanche, l’OMC, Racisme, Environnement, Lobbies industriels, Wall Street… Rage Against The Machines est une ONG du Rock à elle seule. Le final dantesque et corrosif de Freedom achèvera de convaincre les plus récalcitrants.

A l’heure où le monde s’écroule sous la nausée populiste qui gangrène chaque strate de nos sociétés (Erdogan en Turquie, Trump nouvellement élu aux USA, l’Angleterre frappé par le “Brexit”, Orban en Hongrie, Poutine en Russie…), ce “Rage Against The Machines” n’a jamais sonné aussi authentique et pertinent qu’aujourd’hui.

“Yeah we’re gonna take the power back !”